lundi 29 novembre 2010

Marguerite l'Enragée






On dit que Marguerite de Bourgogne (1292-1315) fit édifier un couvent à Saint Pardoux la Rivière, pour se racheter de tous ses péchés. Mais qui est donc Marguerite de Bourgogne ?

Elle n'est pas une femme du XVIe siècle cependant elle était encore célèbre à cette époque-là pour avoir été condamnée à la prison à vie sur l'accusation d'adultère. Elle n'aurait peut-être pas subit un sort si cruel si elle n'avait pas eu des droits sur le royaume de Navarre comme ce fut le cas par la suite de sa fille Jeanne II de Navarre, spoliée elle aussi en partie de ses droits en raison d'un arrangement de son mari avec le roi de France.
Plus tard, Jeanne la Folle, mère de Charles Quint, fut accusée de folie pour être dépossédée du pouvoir qui lui revenait de droit. Jeanne comme Marguerite, comme d'autres héritières de royaume, ont payé le prix fort de l'avidité masculine pour le pouvoir.

Et puis pendant que les rois de France s'appellent le Bon, le Hutin, le Hardi, le Téméraire, le Débonnaire, le Pieux, le Bel et le Grand, Marguerite est passée à la postérité sous le nom de "l'Enragée".
Un canon exposé à Gand en Belgique, a été baptisé de ce nom ainsi que de son correspondant flamand : "Dulle Griet".
Un canon ? C'est sans doute ce dont la pauvre princesse aurait eu besoin pour sortir de sa prison !


Au XVIe siècle, les peintres Ruyckert, Brueghel et Teniers ont fait de cette Marie l'Enragée une étonnante figure de vieille femme armée chassant les démons. Mais quel rapport avec la vicomtesse de Bourgogne ? En tout cas, cette figure laide à l'air fou m'est personnellement sympathique. Tous les démons stupides inventés par les religieux semblent être terrorisés par cette unique vieille femme armée d'un simple bâton ! Une sorte d'anti-Harry Potter, non ?



(De haut en bas : la "Dulle Griet" de Ruickert et celle de Teniers).

13 commentaires:

  1. Moi aussi, les vieilles femmes que l'on dit laides, les sorcières, les folles et les enragées me sont particulièrement sympathiques. Peut-être parce qu'elles sont l'illustration que les saccages virils ne peuvent rien contre la force intérieure qui anime les femmes, toutes les femmes. Peut-être aussi parce qu'elles se sont libérées du carcan qui étouffe leurs cadettes.

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  2. Très sympathique, oui!
    Mais qu'est-ce qui a bien pu la faire représenter ainsi? Pas l'adultère...alors?
    Je m'en vais demander à ma soeur, historienne de l'art, qui habite près de Gand...qui sait?
    Passionnant, merci Euterpe.

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  3. Effectivement, elle tient bien en respect les monstres, seulement armée de son fouet !
    Amusante et inattendue la comparaison avec le très contemporain Harry Potter...

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  4. A Héloise : Et ce ne sont pas toutes les vieilles femmes. Seulement celles qui ont décidé de se donner entièrement à la vie sans s'occuper du reste du monde. Celles-là peuvent soulever des montagnes !

    A Colo : oh oui ce serait épatant ! Je manque cruellement d'explication sur ce personnage ! Par exemple, pourquoi promène t-elle un trésor dans son tablier ? Et cette grotte pleine de monstres, à quoi fait-elle référence ? A t-elle un rapport avec celle de St-Antoine ? Pour Wikipedia "Dulle Griet" n'est autre que ce canon de Gand. Il n'est même pas question de l'origine du nom de ce canon !

    A Hypathie : On peut d'ailleurs cliquer sur les tableaux pour les agrandir. M. l'E. fait très humaine comparée aux monstres qui sont d'ailleurs plutôt amusants. Plus drôles que ceux de la série "Harry Potter". Dont je ne suis pas fan. D'autant que pour sauver le monde je fais plus confiance aux vieilles sorcières qu'aux jeunes sorciers ;)

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  5. Je ne connaissais pas ce personnage. Toutefois, il s'agit de Marguerite "de Bourgogne".

    Le trésor, la grotte, le trésor dans la grotte, les monstres... c'est la légende de la Vouivre. La Woevre, la Guivre, Guinevere ("has green eyes", chantait Crosby, Stills & Nash), Jennyfer, Guenièvre, Geneviève, Genièvre, etc..., la vipère, "vipera". La racine est la même.

    La Vouivre un monstre, dragon, d'une grotte gardant un trésor qu'on cherche a lui dérober. Il existe plusieurs variante de cette légende, de Bourgogne par excellence. La Tarasque en est une variante méridionale, provençale.

    Marcel Aymé l'a magistralement campée dans un roman homonyme, situé dans l'Ain, aux marches sud de la Bourgogne.

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  6. @Floréal

    Oui, très juste Floréal, joli roman de Marcel Aymé, à partir d'une vieille légende du Jura dit-on, mais héritée des légendes celtiques.
    La belle femme aux rubis, gardés pas des serpents, fascine les hommes et les tue dès qu'ils veulent s'emparer de ses joyaux...
    Symbolique, dangereuse, par sa beauté et sa richesse... tout un programme qu'il faudrait analyser parfois de plus près...

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  7. @ Floréal : très érudit et super le commentaire ! Je n'ai pas lu La Vouivre, ou alors il y a longtemps, mais je vais voir de ce pas si ma bibliothèque peut me le prêter...

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  8. @Floréal : Je ne peux m'empêcher de réagir à propos des vipères avec un petit texte de Brunetto Latini (extrait du livre des trésors : "li livres dou tresor" ).

    Celles et ceux qui ont un compte google book n'auront aucun mal à le trouver ici !

    Mon premier réflexe avant de le chercher sur le Net était de le tapuscripter depuis le contenu de ma bibliothèque :( (Ce machin que trop de gens délaissent, alors que ça sent si bon le papier).

    Si nécessaire, je le posterai ici avec sa traduction en français moderne ;)

    bonne lecture !

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  9. Bon après courte réflexion je vous donne au moins la traduction en français contemporain (la version en vieux français est savoureuse, mais pas forcément très claire ;) ).

    "De La Vipre" (De la Vipère)

    "La vipère est une sorte de serpent de si orgueilleuse nature que, quand le mâle se couche avec la femelle, il met sa tête dans la gorge de la femelle et, quand elle éprouve la jouissance de la luxure : elle l'étreint de ses dents, lui tranche la tête et la mange.
    Et quand ses enfants prennent vie et s'en veulent sortir, ils déchirent et brisent de leur force le corps de leur mère, de telle sorte que leur père et leur mère meurent pour eux.
    Saint Ambroise dit de ces serpents qu'ils sont les choses les plus cruelles du monde, dénuées de pitié et pleines de malice.
    Et sachez que ce serpent, quand il a envie de luxure, s'en va dans les eaux ou niche la murène, et l'appelle de sa voix semblable à la flute, et s'unit à elle. A cause de ce stratagème, elle est souvent prise par les pécheurs".

    (Et voilà :P ).

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  10. A Floréal : bon sang mais c'est bien sûr ! La vouivre...il fallait y penser. Le problème c'est que le personnage du tableau n'est pas une vouivre qui, comme on le sait a toujours quelque chose du serpent ne serait qu'une ceinture en peau de, et d'autre part elle n'a rien d'une reine...pas la plus petite couronne. Mystère. J'ai tout de même une piste à explorer, grâce à toi car la piste est tout de même bonne.

    A Bettina : la Vouivre c'est la Franche-Comté plutôt, non ? Cette région, comme la Flandre était sous la domination des Habsbourg. La Bourgogne et la Flandre ont développé une culture que les allemands qualifient de néerlando-bourguignonne en particulier en matière d'orfèvrerie ce qui explique les bijoux...

    A Wakajawaka : eh doucement ! Moi je suis sujette au cauchemar, alors attention aux histoires horribles ! :-) Plus sérieusement, je ne crois pas que celle-ci ait un rapport avec Marguerite de Bourgogne. Mis à part que l'on a retrouvé beaucoup de fossiles de monstres à écailles dans le coin où Marie de Bourgogne était emprisonnée, parce qu'à l'ère secondaire ce pays était sous les eaux et que le sol qui est en marne a bien conservé les fossiles de la préhistoire.

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  11. @Euterpe,

    oui, oui, c'est cela la Franche-Comté dont le Jura fait partie, je crois... mais je n'ai pas vérifié, j'ai écrit d'après des souvenirs sur le texte de Marcel Aymé, que j'ai lu bien sûr.

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  12. J'arrive un peu en retard avec ce commentaire ^^ 3 ans de retard sur ce billet quel dommage.
    J'aime beaucoup "Dulle Griet", et le tableau de Bruegel et le personnage mythique. J'en ai fait mon nom d'artiste parce qu'au civil je m'appelle Marguerite ^^ et comme je suis féministe ca fait de moi une sorcière enragée :p

    Je ne suis pas au courant de l'origine du personnage de Dulle Griet dans la personne de Marguerite de Bourgogne. Est-ce que tu as des documents là dessus Euterpe ?
    Sinon de ce que j'ai trouvé sur Dulle Griet, c'est un archétype de la mauvaise femme, la mauvaise épouse, la vieille fille revèche bref la sorcière, ou pire la féministe !

    Dans mes recherches il est mentionné que Dulle Griet est tellement féroce qu'elle peut parcourir l'enfer et en revenir indemne. Elle ferait même peur aux démons, d'où leur mine effrayé aussi bien chez Ruickert que Teniers et bien sur Bruegel.

    Il y a une série de dessins contemporains de Elaine Rothwell que j'ai mis sur mon site http://www.madmeg.org/base/digestion/tableaux/annexes/madmeg/amok.html
    Il semble que Dulle Griet soit une fauteuse de trouble, j'avais trouvé dans mes recherches un proverbe flamand dont serait issu le personnage, j'ai perdu le proverbe malheureusement mais je me souviens de l'idée ; "quant il y a deux femmes ensemble c'est toujours la querelle, lorsqu'il y en a 3 nous ne sommes pas loin de la guerre civile et lorsqu'elles sont en nombre, le chaos est tel, que même les démons retournent en enfer." si jamais tu connait le proverbe entier ca m'intèresse aussi grandement. Comme Bruegel aime bien les proverbes, je pense que sa toile est inspirée de ce proverbe là.

    Je joint ici la page de mes "annexes" sur le tableau de Bruegel et ma version de celui ci. En étudiant la composition de ce tableau il m'est apparu qu'il est construit sur la binarité,(il y a 2 Dulle Griet, deux arbres morts, deux oeufs, deux globes de verre, deux ponts, deux maison/bouche de l'enfer...). toute l'image fonctionne par paire et est construite sur les diagonales, ce qui donne cette impression de chaos général au tableau. On peut y voire de "pauvres diables" se faire réduire en bouillie par des femmes en costume contemporain du peintre. Menée par Dulle Griet armée de son épée et portant un balluchon qui me semble vu le contexte être sa "dote" ou son "trousseau de mariage". Dulle Griet est simplement une femme qui ne se soumet pas à son époux, ni a son devoir de mère (d'ou les oeufs brisés), ni a son devoir de "maitresse de maison", elle se saisit en plus d'un des objet les plus phallique qui soit dans la culture patriarcale, une épée. Pour moi elle est l'incarnation de la terreur panique qu'inspire les femmes libres au patriarches, la diablesse féministe du XVI° dans toute sa splendeur. Pas surprenant qu'on l'aime bien ici.

    Ca me fait plaisir de voire que Dulle Griet à son libellé chez toi Euterpe. Encore une fois merci à toi, tout le travail de documentation que tu amasse ici m'est d'une très très grande utilité.

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  13. Hello mad meg ! Merci pour ton com' qui me fait très plaisir.
    Il s'agit de cette Marguerite de Bourgogne :http://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_Bourgogne_%281290-1315%29
    En fait, je n'en sais pas plus. Mais il me semble que des infos traînaient sur le net un moment donné.
    J'aime aussi beaucoup le personnage de Dulle Griet. Je crois qu'un journal féministe flamand s'est appelé comme cela. Et puis un roman de Dominique Rollin. Mais si tu as lu les commentaires au-dessus du tien, je crois que certain.e.s en savent plus ;)

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