jeudi 31 mai 2012

Encore un film que vous ne verrez pas à Cannes

Bon, finalement, après le festival le plus nul du monde, mon film préféré que je réalise moi-même, c'est moi en train de sortir du métro pris par la caméra de surveillance du quai de ma station. Je le visionne tous les jours sur l'écran de contrôle et je dois dire que je ne m'en lasse pas.
Il a quelque chose de Haneke mais l'héroïne est une femme autonome sans qui que se soit en train de lui servir de béquille car elle n'est ni accompagnée de bobon (masculin de bobonne) ni de maman et pourtant elle ne va pas se faire égorger au prochain coin de rue puisqu'on la revoit chaque jour.
C'est du Haneke version féministe.
Mais montrer les femmes de cette facon dans notre société c'est impensable au cinéma, voyons !
C'est pour cela que Frémaux conseillera désormais aux militantes de la Barbe de faire comme moi si elles tiennent absolument à voir un film réalisé par une femme avec sa vision du monde.
Il ne va pas accueillir des femmes autonomes dans un lieu comme Cannes, tout de même ! Ca le salirait.
Non mais vous avez vu une réalisatrice se pavaner avec une belle actrice sur des escalier faisant face à une avenue ensoleillée en bord de mer ombrée de palmiers ? C'est grossier ! Ou pire : une réalisatrice avec un jeune acteur au visage d'ange ? C'est immonde ! C'est pour cela qu'au festival il ne peut y avoir que des réalisatEURS. Seul un homme est fait pour se balader avec une beauté à son bras.
C'est physiologique.
Comme uriner debout.

Pour le cabinet ministériel des Droits des Femmes, pareil. Vous vous imaginez ce qui se passerait si la ministre des Droits des Femmes était entourée de femmes pour s'occuper de femmes ? Comment les hommes sauraient-ils si elles s'occupent bien d'elles-mêmes ?
Seul un homme sait réellement ce qu'est une femme !
C'est une science innée chez lui.
Tandis qu'une femme...mais que peut-elle bien savoir des femmes ?

Bon finalement nous aussi nous avons notre milice saoudienne pour empêcher que les femmes ne deviennent trop autonomes : sauf que chez nous elle se cache dans les cabinets ministériels...



 Et hop ! Encore un film que vous ne verrez pas à Cannes !

Ajout 1er juin - Monologue de l'héroïne :

- Que je sorte de ce centre commercial ?!
- Je vous montrerai qui va sortir du centre commercial !
- Ce ne sont pas vos affaires.
- Pourquoi vous me suivez ?
- Qu'est ce que vous me voulez ?
- Le gouvernement ne vous a pas envoyé pour me suivre.
- Le gouvernement a dit qu'il n'y aurait pas de persécution (de femmes).
- Votre travail est d'informer la population et ensuite de circuler.
- Vous n'avez pas le droit de harceler les gens.
- Assez. Sortez de ce centre commercial. Allez-vous en. Qui va s'en aller ?
- Ce ne sont pas vos affaires.
- Vous ne voyez pas les autres femmes ici qui montrent leurs cheveux - Ce n'est pas votre affaire.
- Je suis libre de mettre du vernis à ongles, si je veux.
- S'il vous plaît, partez. Moi je ne partirai pas. Qu'est ce que vous allez me faire?
- Je ne partirai pas.
. Je ne bougerai pas d'ici. Je ne bougerai pas d'ici.
- Pour votre information, je suis en train de filmer tout ça. Ici. Souriez à la caméra.
- (Aux policiers) vous êtes en mission n'est-ce-pas ? et bien vous avez ici une plainte d'une citoyenne pour harcèlement et peu importe si cela vient du gouvernement officiel ou non.
- Pour votre information, la vidéo est en route pour twitter et facebook pendant que nous parlons.
- Encore un mot de vous et je l'envoie à Abd-Al-Latif Aal Al-Sheik et il vous demandera des comptes.
- Vous n'êtes pas mon chef et vous n'avez pas à me dire de ne pas porter de vernis à ongles.
- Du rouge à lèvres sur ma bouche ? Viens, regarde ma bouche. Honte à toi !
Et il prétend craindre Dieu...
Ne le laisse pas me suivre. J'ai le droit de me balader dans ce centre commercial si je veux.    

(Explication : apparemment le grand mufti d'Arabie Saoudite a demandé que l'on arrête de persécuter les femmes sur des "détails" mais comme partout, on ne perd pas si facilement les "bonnes" habitudes. Cette femme est aujourd'hui activement recherchée par la police, non pas pour s'être défendue mais "pour avoir filmer des gens en public", ce qui serait formellement interdit par la loi islamique).

A propos de l'Arabie saoudite qui (à mon avis) menace chez nous ce qui reste de nos libertés féminines de par l'influence économique de ce pays ultrarichissime en Europe et dans le monde (principe des vases communiquants), cet article de Serge Halimi du Diplo sur l'impunité saoudienne.
Et ici : les conditions de vie des saoudiennes (elles sont soumises à une tutelle masculine permanente).

6 commentaires:

  1. Ce que j'aime bien dans cette vidéo prise par téléphone, c'est que cette femme saoudienne courageuse les menace des réseaux sociaux ! Et effectivement, la vidéo a fait le tour de la planète, je l'ai partagée, tu la partages, bref, les salauds ne peuvent plus agir dans l'obscurité et le silence, leurs turpitudes sont visibles de qui peut et veut les voir.
    Merci pour le lien vers mon billet sur Cannes.

    RépondreSupprimer
  2. De la très mauvaise utilisation de certaines images:
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/06/03/y-a-t-il-un-genocide-invisible-des-femmes-en-asie/

    RépondreSupprimer
  3. à Hypathie : je suppose que tu l'as relayé sur twitter car je ne l'ai pas vu dans tes billets.
    Oui les salauds sont démasqués. Naturellement, ils vont se dépêcher de trouver une parade mais au moins on sait que nos soeurs d'Arabie saoudite luttent et n'acceptent pas cette honteuse tutelle qu'on veut leur faire subir.

    Merci jfsadys pour le lien. Oui, il y a un génocide de femmes en Asie et cela fait un moment que ça dure. Mais l'on n'en se préoccupe guère.
    Alors qu'il s'étend en Europe....

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Euterpe,
    Je suis un peu hors sujet, mais j'ai enfin vu "Même la pluie" et "Ne dit rien" deux films superbes de Icíar Bollaín que tu avait reccommandé. Icíar Bollaín est vraiment une réalisatrice de génie. J'ai été totalement faciné par "Même la plue".
    J'ai regardé aussi deux films de Niki Caro "Paï" et "L'affaire Josey Aimes" deux films féministes millitants qui m'ont fait du bien aussi. C'est vraiment très agréable de voire des films qui aborde des problématiques si rare au cinéma que sont celles du féminisme. Merci pour tes conseils. Je poursuit grâce à toi mon exploration des réalisatrices avec émérveillement et joie.
    Sinon ca fait longtemps que je ne t'ai lue. J'espère que des choses agréables te retiennent loin de ton clavier.
    mad meg

    RépondreSupprimer
  5. A madmeg : je suis super contente que tu aies aimé car moi aussi je la considère comme un génie ! Je retiens les autres titres de films que tu mentionnes et m'arrangerai pour les voir dès que possible. Merci beaucoup.

    En fait, j'étais partie et n'ai pas trouvé le temps de prévenir. Mais me revoilà avec plein de choses à raconter !:)

    RépondreSupprimer
  6. Oui je viens de lire ton poste sur Artemisa sans Gentileschi. Très juste comme d'habitude, je n'avait pas remarqué cette réduction du nom.
    Pour les films de Niki Caro, réal néo-zélandaise, ils sont très féministes mais ils n'arrivent pas à la cheville de Icíar Bollaín. Ils sont quant même bien et émouvants, mais je ne voudrait pas que tu sois déçu en t'attendant à des œuvres du niveau de "Même la pluie". Paï c'est l'histoire d'une petite fille maorie qui essaye de devenir la cheffe du clan, c'est un joli film à voire en famille, pour une fois qu'une fillette à un rôle valorisant il faut en profiter. "L'affaire Josey Aimes" est l'histoire d'une femme qui lutte pour avoir le droit de travailler dans une mine dans un milieu hautement machiste. Je l'ai vu il y a quelques temps, mais dans mon souvenir il est beaucoup plus sombre, il me semble avoir beaucoup pleuré.

    En tout cas je suis contente de te lire à nouveau.

    RépondreSupprimer