samedi 19 novembre 2011

Comment on devient DSK selon les idées du XVIe siècle

A propos de comportement "à la DSK" (comportement destructif envers les femmes et sentiment de supériorité et d'impunité absolues), on trouve ce dialogue dans l'Heptaméron de la reine de Navarre à la fin de la 34e nouvelle en forme de digression, dialogue que j'ai entrepris de disséquer pour analyser la mentalité de l'époque, pas si éloignée de la nôtre dans le fond mais énormément dans la forme, un échange très intéressant sur l'idée que l'on se faisait au XVIe siècle des ravages de l'orgueil :
- "Ne vous ai-je pas lu au matin, dit OIsille, que ceux qui ont cuidé [cru] être plus sages que les autres hommes et qui, par une lumière de raison, sont venus jusqu'à connaître un Dieu créateur de toutes choses [ceux qui sont parvenue par un éclair d'intelligence à comprendre qu'il fallait lâcher prise parce qu'il existe une force qui nous dépasse en laquelle nous sommes bien obligés de faire aveuglément confiance*], toutefois, pour s'attribuer cette gloire [comme leur égo surdimensionné leur ont fait croire qu'ils avaient découvert cela tout seul ], et non à Celui dont elle venait [au lieu de conserver un peu d'humilité], estimant leur labeur avoir gagné ce savoir [estimant que c'est pas leurs géniales cogitations qu'ils l'avaient compris], ont été faits non seulement plus ignorants et déraisonnables que les autres hommes, mais que les bêtes brutes [ils ont perdu toutes connections avec la réalité et se sont comportés comme les pires salauds] ? Car ayant erré en leurs esprits [ayant pris la grosse tête], s'attribuant ce qu'à Dieu seul appartient [ils ont pensé qu'ils avaient un pouvoir particulier], ont montré leurs erreur par le désordre de leur corps [et ont été tellement contents d'eux que leur libido s'est emballée], oubliant et pervertissant l'ordre de leur sexe [ils se sont crus soudain tout permis sur les autres], comme saint Paul aujourd'hui nous montre en l'épître qu'il écrivait aux Romains."- "Il n'y a nul de nous, dit Parlamente, qui par cette épître ne confesse que tous les péchés extérieurs ne sont que les fruits de l'infélicité intérieure [tout le monde reconnaît qu'un mauvais comportement provient d'une absence de satisfaction intérieure], laquelle est plus couverte de vertu et de miracles plus est difficile à arracher [ce mécontentement de soi est généralement dissimulés sous de nombreuses apparences de qualités inexistantes]". - "Entre nous hommes, dit Hircan, sommes plus près de notre salut que vous autres car, ne dissimulant point nos fruits, connaissons facilement notre racine [nous les hommes ne risquons moins de nous tromper que vous les femmes du fait que nous paradons tellement volontiers quand nous avons fait quelque chose de bien, du coup, nous avons plus conscience de l'orgueil qui nous habite]. Mais vous, qui ne les osez mettre dehors et faites tant de belles oeuvres apparentes, à grand peine connaîtrez vous cette racine d'orgueil qui croît sous si belle couverture [mais vous qui êtes tenues à vous montrer modestes et discrètes il vous est extrêmement difficile d'avoir conscience de l'orgueil qui vous habite quand vous vous adonnez à des oeuvres de charité (l'aumône aux pauvres, etc..)]".
- "Je vous confesse, dit Longarine, que si la parole de Dieu ne nous montre, par la foi, la lèpre d'infidélité cachée en notre coeur [il est vrai que seul croire en une force supérieure ne nous aide pas franchement à voir quelle suffisance et quel orgueil nous sommes capables de cultiver en nous], Dieu nous fait grand grâce quand nous trébuchons en quelque offense visible par laquelle notre peste couverte se puisse clairement voir [heureusement que quelqu'un nous blesse de temps en temps pour nous faire prendre conscience par la manière dont nous réagissons de notre état d'esprit intérieur qui reste la plupart du temps caché]. Et bien heureux sont ceux que la foi a tant humiliés qu'ils n'ont pas besoin d'expérimenter leur nature pécheresse par les effets du dehors [et ils ont de la chance ceux qui ont réussi à avoir une foi en eux telle que rien de ce qui se passe dans leur vie ne provoque en eux une réaction destructrice]".

Nous avons là clairement une réflexion sur la mégalomanie et l'égocentrisme de ceux qui se sont crus un jour "élus" ou simplement très supérieurs aux autres et qui basculent alors dans la permissivité absolue parce qu'ils ont cessés de s'identifier au commun des mortels et estiment tout à coup que tout autour d'eux doit se soumettre à leur caprice les plus destructifs. Or pour "Parlamente" (Marguerite de Navarre) la destructivité est la manifestation d'une insatisfaction cachée et inavouée.
Le seul homme de l'assemblée estime naturellement que les plus exposés à ce genre de comportement sont les femmes !

* pour les non-croyants (pour les croyants c'est Dieu, Allah, Jéhovah ou Bouddha).

5 commentaires:

  1. je crois qu'il est tout à fait juste de relier le "cas DSK" à un questionnement sur Dieu, tant il semble évident que son parcours le fait frôler les terres (la Terre) du pouvoir où le diable est roi. Je ne peux m'empêcher, à chaque fois que les affaires liées à DSK paraissent, de penser à Kubrick et à son dernier film "Eyes wide shut". Tout y est dit, très clairement, sur le pouvoir, sur les abus sexuels, et sur la dimension démoniaque de tout cela.

    Il est intéressant, de surcroît, de noter qu'Anne Sinclair est dite très croyante et pratiquante...

    RépondreSupprimer
  2. A lucia mel . décidément tu me donnes envie de voir ce film. Le lien entre le pouvoir et l'envie de détruire l'autre par la violence sexualisée n'a jamais été autant souligné cette année avec toutes les accusations de viol non seulement envers DSK mais à l'encontre d'autres hommmes de pouvoir ailleurs dans le monde.
    Il est urgent de re-répartir les richesses. Car l'argent EST le pouvoir et l'excès de pouvoir rend inhumain.
    Quant à la foi d'Anne Sinclair, c'est une foi qui ne tient pas compte de l'existence d'individus hors du cercle étroit qu'elle reconnaît comme le sien.

    RépondreSupprimer
  3. Bonjour Euterpe, cette idée que les hommes ont moins tendance à se tromper que nous (presque infaillibles!!) est tout à fait extraordinaire mais encore et toujours si si si répandue....parmi (certaine) gente masculine... et féminine parfois aussi. Hélas!

    RépondreSupprimer
  4. A Colo : oui les machos et leurs groupies ont tendance à être persuadés que le cerveau masculin est une machine parfaite. Et dans ce texte l'homme en question est une fois de plus le mari de Marguerite de Navarre. Je suis sûre que si elle avait pu prendre le mari de son choix, elle aurait certainement trouvé moins macho que lui, même au XVIe siècle !:)

    RépondreSupprimer
  5. Intéressant l'éclairage sur le film Eyes wide shut, film que j'ai toujours trouvé impénétrable alors que je suis une fan absolue de Kubrick ! Je n'aurais pas pensé à l'analyser comme cela, bien qu'il montre un homme, heureux en ménage (à ce qu'il semble en tous cas) allant chercher ailleurs ses plaisirs. On y retrouve le pantin humain qui traverse toute l'oeuvre de Kubrick, c'est déjà ça.

    RépondreSupprimer