dimanche 30 octobre 2011

Lotte Kühn, membre du comité central du KPD

Comme je suis en train de lire diverses biographies allemandes de Charles Quint, et en attendant de parler des femmes de son entourage, je me pose aussi comme Sandrine des questions sur le pouvoir, la tyrannie, la dictature, les dictateurs et le fascisme. Au XVIe siècle ce dernier terme n'existait pas mais dans son sens large, il aurait pu tout à fait s'appliquer à la politique de Karl der Fünfte dit en francais Charles Quint. Comme quelques uns de ces successeurs modernes, l'empereur romain germanique était très bien intentionné. Il voulait maintenir et étendre l'unité de la Foi catholique si possible pacifiquement sinon par la violence. Il se voyait en unificateur. Or l'unification ne s'obtient en définitive qu'au prix du sang.
Mais quand on est persuadé que Dieu approuve...

Le billet de Sandrine m'a également interpelée en raison d'un film auquel j'ai participé en me fondant dans la masse des militant.e.s du KPD (parti communiste allemand des années 1930) réfugié.e.s à "l'hôtel Lux de Moscou" (en réalité un vieil hôtel de Berlin) peu avant le pacte germano-soviétique. Il vient de sortir et je suis allée le voir hier soir. Je n'avais pas trop d'espoir à la lecture des critiques, j'ai donc été heureusement surprise (sans parler du fait qu'il m'a permis de me rappeler des moments de franches rigolades durant le tournage*). Le (peut-être) pari de réussir une comédie à la Charlie Chaplin / Ernst Lubitsch / Tarantino est gagné, je crois. S'il passe en France, allez le voir.
En gros, un comique antifasciste parodiant Staline dans un spectacle de variété à Berlin contraint de fuir à Moscou se retrouve malgré lui au service du vrai Staline en tant que son astrologue...
Seule ombre à la pellicule : il y a une femme à la tête du Comintern et elle ne nous est pas présentée dans le film alors que tous les membres masculins le sont ! Je me suis donc livrée à quelques recherches particulièrement chronophages et ayant d'abord cru que c'était la célèbre révolutionnaire Alexandra_Kollontai j'ai fini par conclure qu'il s'agirait plutôt de Lotte Kühn, la future épouse de Walter Ulbricht, le constructeur du mur de Berlin.
C'est inadmissible de passer ainsi son identité sous silence alors qu'elle siège à la tribune avec tous les membres masculins !

Ici la bande-annonce malheureusement en allemand (la femme à gauche de la page de garde qui demande à Ulbricht en train de construire un mur en morceaux de sucre, ce qu'il fait, est cette femme dont l'identité ne nous est pas révélée) :



Dans ce film "l'humain" sympathiquement incarné par Michael Herbig, c'est l'acteur (trice?) comique qui est au dessus des valeurs d'autorité, de violence et de domination dont parle Sandrine dans son billet sur le sujet.
J'aime cette idée.

* mis à part une séance de harcèlement franchement limite alors que je me retrouvais coincée avec un figurant dans un cagibi !

15 commentaires:

  1. ça c'est une question intéressante que celle de savoir si au final le sens contemporain donné au terme de dictateur ne serait pas une projection idéologique du pouvoir dominateur d'une classe sociale prétendument démocratique alors qu'en fait s'avérant dans l'histoire beaucoup plus intentionnée par la domination individualiste que par le sens profond de l'intérêt général des nations et donc des peuples c'est à dire de l'ensemble de toutes les classes sociales au delà de leurs luttes de classes.
    en bref, les dictateur comme charles quint, ou plus récemment kadafi seraient beaucoup plus démocrates que les présidents de république bourgeoise comme en france actuellement.

    en fait, un dictateur, ce n'est pas un anti-démocrate, c'est un ennemi stricte de l'intérêt de la classe bourgeoise.

    pour le gommage systématique des personnages féminins, ben c'est comme d'habitude hein.

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  2. Merci, c'est très intéressant, et j'espère que le film sortira en France! A ce moment là, je pourrai grâce à toi donner le nom de Lotte Kühn !

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  3. A propos des dictatures, des recours aux formules elliptiques et autres euphémismes pour (dé)masquer des horreurs, se détache le nouveau musée du "Palais des larmes" à Berlin...

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  4. A paul : en un sens oui ils se sont avérés plus intéressés par le bien commun que les prétendus démocrates. Mis à part qu'ils n'ont reculé devant aucune cruauté pour maintenir l'ordre qui leur semblait bon. D'un autre côté, dans la république bourgeoise comme vous dites, la cruauté n'est pas complètment absente, elle réside dans le fait de laisser pour compte des pans entiers de la population réduite à la misère sans leur porter le moindre secours (et autres violences masquées).

    A Sandrine : j'hésite encore entre Lotte Kühn (mais je suis sûre à 99% quand même) et Rose Michel, une francaise, plus tard correspondante de l'Humanité à Berlin-Est. Rose Michel vient à Moscou avec Walter Ulbricht et là il se sépare d'elle pour Lotte Kühn qui est déjà à l'hôtel Lux.
    Pour lever les 1% d'incertitude, je vais peut-être lire le livre de Ruth von Mayenburg "Hotel Lux", une aristocrate communiste qui y a vécu, rencontré tout ce beau monde et survécu aux purges staliniennes.
    http://www.amazon.fr/Hotel-Lux-Ruth-von-Mayenburg/dp/3938045604
    Le film s'inspire en grande partie de son témoignage.

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  5. A JEA : oui, à voir. Cela dit j'ai des souvenirs personnels du régime est-allemand. Et puis dans un genre plus "hard core" il y a le mémorial de la prison de la Stasi.

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  6. Dans ta bande annonce, je reconnais l'acteur prof de "La vague" que comme par hasard j'ai vu hier sur LCP-AN, je l'avais raté en salle. Très bon film allemand sur l'autocratie avec une belle mise en scène et une aussi belle progression narrative. Et où d'ailleurs, ce sont les filles les plus rétives à l'autocratie, dans ce film au moins. Lotte Kühn : une femme de plus effacée de l'Histoire (his story) et des films qui l'évoquent ! :((

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  7. A Hypathie : oui c'est Jürgen Vogel, un acteur très très connu et apprécié ici parce que c'est aussi quelqu'un de très sympathique. Il a énormément de films à son actif. Surtout des comédies, des films pour enfants et "La vague" ainsi qu'un film sur le viol où ila interprété un violeur, rôle qu'il a ensuite commenté dans le magazine féministe "Emma". "La vague" est sortie ici en livre de poche pour enfants en 1996. Date à laquelle on me l'a prêté pour le lire. Je n'aime pas toujours voir des films tirés de livre et je n'ai pas souhaité le voir mais avec un acteur comme J.V. il est sûrement bon ! (J.V. est assez sollicité pour pouvoir refuser les navets).

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  8. Bonjour Euterpe,
    La Vague, je l'ai vu un peu par hasard, parce qu'un ami me l'avait conseillé, qu'il avait le fichier sur son ordinateur et que j'avais un jour deux heures à tuer... Eh bien j'ai été très impressionnée par la performance des acteurs (surtout l'acteur principal dont le jeu est parfait) et la maîtrise de la narration.

    Alors si tu en as l'occasion, franchement, ça vaut le coup !

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  9. A Artémise : oui cet acteur est exceptionnel. Lors du tournage d'Hôtel Lux, il y a eu une scène (qui a finalement été coupée au montage) où il dit un assez long texte qu'il a du recommencer à plusieurs reprises à cause d'incidents sans rapport avec lui, et vraiment il avait à chaque fois la même aisance et à chaque fois on aurait juré qu'il jouait cette scène pour la toute première fois alors que Michael Herbig (par ailleurs fort sympa lui aussi) est capable d'avoir le trac et d'oublier son texte comme cela arrive à tout comédien.ne normalement constitué.e.

    OK tu m'as convaincue. Dès que j'ai l'occas' j'y cours !:)

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  10. Encore un film qui ne passe pas l'épreuve du test de Bechdel !:

    1/ Y a-t-il au moins deux personnages féminins portant des noms ?
    2/ Ces deux femmes se parlent-elles ?
    3/ Leur conversation porte-t-elle sur un sujet autre qu'un personnage masculin ?

    Ceci dit, si l'on s'en tenait à ce test pour sélectionner les films que l'on va voir, on ne sortirait plus !

    Il a l'air malgré tout intéressant pour toutes les raisons que tu évoques; j'irai le voir s'il passe ici :-)

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  11. A Hélo : à la question 1/ L'héroine principale porte plusieurs prénoms (sans nom de famille bien sûr) : "Frida" à Berlin puis "Carla" à Moscou ce qui fait dire au héros qui se fait reprendre par elle quand il dit "Frida" à Moscou : "Frida, Carla, Lisa, cela n'a pas d'importance (es ist egal) !" (la scène est même dans la bande-annonce).
    D'où l'importance de l'absence de nom de la femme car elle est carrément thématisée !!!!!
    2/ Ces deux femmes ne se parlent pas. D'ailleurs il y en avait une 3e qui a été éjectée au montage.
    3/ Les deux femmes sont toutes les deux marxistes mais elles servent principalement de faire valoir. De plus Frida/Carla n'est pas prise au sérieux. C'est avant tout une belle femme et ce qui compte semble t-il.

    Je me demande si je ne vais pas écrire au réalisateur...

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  12. Qu'aujourd'hui encore, malgré les informations dont on dispose, on gomme ainsi une femme qui était loin de faire de la seule figuration (excuse-moi, Euterpe, de minimiser ton travail d'actrice ;-) montre bien le travail qui reste à faire ! Bonne idée d'écrire au réalisateur - la suite nous intéresse.

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  13. A Tania : quoi ? J'ai même du apprendre l'Internationale par coeur sous la houlette d'une prof de chant ! Alors si c'est pas de l'interprétation ça ! :-)
    Ce qui me désespère c'est que ce travail de visibilité des femmes n'est pas à faire mais à refaire !
    Le réalisateur qui a grandi en Allemagne de l'Est porte aujourd'hui un T-shirt "Fuck communism" et semble s'identifier à fond avec les valeurs occidentales dont le machisme fait partie, alors qu'à l'est, il y avait au moins un effort d'égalité des sexes. Rosa Luxemburg et Klara Zetkin ont été les phares du communisme allemand, c'était bien le moins que l'on reconnaisse le rôle des femmes dans la révolution du prolétariat.
    Je vais tenter de faire une lettre en commun avec une association féministe sans quoi je suis grillée pour aller traîner sur les tournages de films historiques qui permettent souvent de découvrir des lieux fabuleux de Berlin non accessibles au public entre autres intérêts et moi je suis une incorrigible curieuse.

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  14. Mille excuses, je m'incline devant la choriste - une nouvelle gaffe ? ;-)
    Pour rester dans le cinéma, je me demande pourquoi Margarethe von Trotta qui a filmé de beaux grands rôles féminins (dont Rosa Luxemburg) ne nous en donne plus aujourd'hui (je ne connais pas le sujet des téléfilms cités dans sa filmographie sur Wikipedia).
    Ca doit être très intéressant, ces tournages dans Berlin, je comprends.

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  15. A Tania : ah ben oui très grosse gaffe parce que floue et de dos je suis vraiment trop sublime à l'écran ! :-D
    Pour ce qui est de Margarethe von Trotta je ne sais pas si ses productions passent les frontières mais ces films les plus récents ont parlé des femmes de la Rosenstraße (2003) et d'Hildegarde de Bingen (2009). Sinon il se tourne aussi des films consacrés aux femmes ou aux filles réalisés par des hommes même comme dernièrement "Wunderkinder" http://www.filmstarts.de/kritiken/185924.html
    sauf que je n'ai pas été sollicitée pour y figurer et que je n'ai pas la possibilité de choisir.
    J'ai refusé les deux derniers tournages (entre autre un blockbuster plus ou moins horrible inspiré de Hansel et Gretel) parce que soit le sujet me barbait trop et que je connaissais déjà le lieu de tournage par coeur soit que j'ai été avertie trop tard pour me libérer car n'étant pas chômeuse, j'ai besoin à chaque fois de m'organiser et que nous sommes toujours plus ou moins averti.es. à la dernière minute. A part ça c'est éminemment ludique comme activité surtout quand on travaille beaucoup seule le reste du temps en tête à tête avec son ordinateur !

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