mardi 9 novembre 2010

J'y crois pas !




voilà ce qu'ont éjaculé les pubeux ("ont pondu" est une insulte aux ovipares, je trouve) pour présenter une série télévisée sur l'Histoire allemande. J'ai aperçu ça hier matin par la vitre du métro, j'ai repéré la station et j'ai sauté le soir même sur mon appareil photo pour m'y rendre et réaliser ces trois clichés. En petit, pour présenter la série plus sérieusement, on montre trois mâles célèbres traités dans le feuilleton : Charlemagne, Louis II de Bavière et Karl Marx. L'oeil caché du roi de Bavière est le slogan habituel de la chaîne ZDF ("La 2" allemande, comprendre : on voit mieux avec "le 2e" canal (symbolisé par l'oeil gauche qui est, sur les photos, forcément à droite, sens de la lecture)).

La femme qui se rase les jambes en téléphonant avec son portable est censée représenter............................Hildegarde de Bingen !
Les pubeux ne dégradent pas seulement les femmes actuelles, ils violent l'Histoire des femmes.
Mais comme dirait Noam Chomsky cité sur le blog journal de classe, afin de faire accepter l'inacceptable, il s'agit de dégrader sur la durée, insidieusement, jusqu'à ce qu'on est tout enlevé (merci jfs pour cette citation qui convient tout à fait à ce qui se passe pour l'image des femmes).
Sous prétexte de feuilleton historique, on s'en prend aux femmes du passé, en singeant, par exemple, ce que je fais dans ce blog : les réactualiser. Cette forme de réactualisation est perverse parce qu'elle arrive à faire sourire. La pub est tout à fait capable de faire sourire son public d'un meurtre. C'est sa force.

18 commentaires:

  1. Euterpe voici une autre citation de Chomsky:

    " (...) encourager le public à se complaire dans la médiocrité, encourager le public à trouver "cool" le fait d'être bête, vulgaire, inculte. (...)"

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  2. Régine Pernoud a écrit un livre sur Hildegarde de Bingen.

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  3. Voici un lien qui vous intéressera peut-être:

    http://www.google.fr/#sclient=psy&hl=fr&q=armes+silencieuses+pour+guerres+tranquilles+pdf&aq=1&aqi=g4g-o1&aql=&oq=Armes+sil&gs_rfai=&pbx=1&fp=6256e14c32ceb488

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  4. A jfs47 : oui c'est tout à fait cela. Toute la campagne de pub pour l'émission est vulgaire. Elle comporte trois visuels. Celui avec Hildegarde mais aussi avec la tête d'Auguste le Fort (un roi allemand) surmontant une poitrine huilée, bodybuildée et tatouée habillée d'un boléro de cuir noir. Le troisième montre Charlemagne empêtré dans les fils du fromage d'une tranche de pizza. Là encore la vulgarité est magnifiée. Mais on ne rencontre pas ces trois visuels à parts égales. C'est H. de B. que l'on voit le plus souvent.
    "Armes silencieuses pour guerres tranquilles". Cela veut tout dire. Merci jf !

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  5. Efectivement, pour le bon goût, on repassera... Affligeante, répugnante, consternante, cette pub !
    Pour une fois qu'on aurait pu avoir Hildegarde de Bingen, cette très grande dame, sur un panneau publicitaire, voilà qu'on la désape, qu'on la dégrade, qu'on la ridiculise.

    Comme je comprends ton coup de sang.

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  6. Ben, je vais faire tache, mais une nonne à poil, ce n'est pas pour me déplaire, au contraire... Enfin humaine, nue, pas "voilée"...
    Bon, c'est un peu provo, mais je le pense et, en tant que féministe, je ne suis pas moraliste au point de ne plus vouloir voir une femme dépoilée. Sinon, on rejoint les ligues de vertu!et ça me ferait mal...
    Ce qui me gêne toujours là dedans, c'est le business, le fric qu'on en tire...
    La pub est alors l'égal de la prostitution, mais combien se prostituent? Même les rugbymen à présent s'affichent...
    Le problème concerne donc hommes etfemmes aujourd'hui, malheureusement... et parfois à la demande des femmes, le comble! Une sorte de revanche débile... bref, ça me tue!

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  7. A Artémise : merci pour ton empathie. Ca fait du bien.

    A Bettina : cette pub ne sert pas à déshabiller des nonnes pour dénoncer la bigotterie. Premièrement parce qu'il ne s'agit pas de nonnes mais d'une "grande femme". Tu aurais peut-être aussi été nonne, toi, à cette époque, pour avoir un peu de pouvoir et de liberté car c'est là qu'ils se nichaient au XIIe siècle. Sans parler du fait que ca suffit l'exposition à nu des femmes comme dans un camp de concentration, en l'occurrence ici, celle-ci est l'objet d'un montage qui consiste à montrer l'action de se raser les jambes avec un rasoir jetable + téléphoner avec un portable ce qui est censé résumer la femme moderne, c'est à dire : toi. Car le slogan est "Ce que nous fûmes, ce que nous sommes" et l'idée pubesque qui se croit géniale est de réunir les deux en un. Hier tu étais nonne, aujourd'hui : oh quel fantastique progrès ! tu te rases les jambes pour plaire à ton mâle qui n'aime pas les poils (est-ce mieux que de joindre les mains pour prier un mâle virtuel?) et tu lui parles dans un caillou à boutons coincé sous le menton (c'est mieux que de l'entendre dans ta tête par excès de jeûnes et de méditations ?). Bref, aujourdhui comme hier, que tu t'appelles Hildegarde ou pas, tu es réduite dans la représentation qu'on a de toi à la servante dévouée d'un mâle virtuel. Bonjour le message. Je ne trouve pas qu'il y ait de quoi, même un tant soi peu, se réjouir.

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  8. "wer wir waren - wer wir sind" = "qui nous étions, qui nous sommes" ? "ceux que nous étions, ceux que nous sommes" ?

    Elle est si célèbre en Allemagne Hildegarde de Bingen, qu'on puisse la représenter comme symbolisant le "wir" ?

    En France c'est un milieu assez spécialisé chants sacrés, ésotérisme, qui la connaît (nous chantons quelques uns de ses chants dans notre choeur).

    Pour ce qui est de la pub, qu'elle soit débile ne m'étonne guère, mais le plus souvent, il faut le reconnaître, elle est très efficace dans son message, sachant précisément à qui elle s'adresse : ici, aux femmes ? N'y a-t-il aucune pub où Marx est ridiculisé ?

    tiens, j'ai trouvé ces pubs qui pourront t'amuser (sur Culture pub) :

    hommes politiques (protection animaux)

    Barack Obama (campagne primaires)

    Le pape travesti

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  9. Ah! tu as raison Euterpe, tout y est et je partage ta colère.

    Il faut croire que les seules femmes qui ont échappé à l'invisibilisation de leur groupe payent désormais le prix fort: se faire ridiculiser par des pubeux éjaculateurs précoces (je reprends ta formule inspirée!). Ca plus l'injonction au rasage/à l'épilation et l'image de niaise à laquelle renvoie le portable, le compte est bon pour elle et pour nous.

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  10. > Bettina,

    Pareil qu'Euterpe, je trouve pénible de voir la figure d'Hildegarde dévoyée de la sorte. Elle était religieuse et pas n'importe quelle religieuse. C'était sa dignité de femme.
    La ridiculiser en lui faisant se raser les jambes tout en téléphonant, c'est la prendre pour une gourde.
    Et je trouve inadmissible d'en faire une gourde.

    Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui la religion prend moins de place qu'il faut forcément prendre les religieux de l'ancien temps pour des crétins arriérés.

    Et je souscris parfaitement à l'interprétation féministe d'Euterpe.

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  11. A lucia mel : oui tes traductions sont toutes les deux bonnes.
    Oui Hildegarde symbolise le "wir" allemand à peu près comme...je cherche...je cherche...Christine de Pisan?...Anne de Bretagne?...Marguerite de Navarre (le devrait)? Non il n'y a pas d'équivalentE en France, en fait.
    L'art de la pub est d'accrocher. En cela elle est TOUJOURS efficace d'autant que cela s'apprend dans des écoles spécialisées. La question est de savoir "avec quoi" elle vous accroche! Il y a le choix des méthodes. Ici, il s'agit de trivialiser. Ce n'est ni un geste gratuit ni fortuit. Je recite jfs qui cite Noam Chomsky : "encourager le public à trouver "cool" le fait d'être bête, vulgaire, inculte". Ceci procède de cela.
    Pour ce qui tu écris sur la démarche de ridiculiser de grande figures : qu'ils s'agissent de caricaturer des personnalités contemporaines dans des vidéos que tu es libre de regarder ou non ou que l'on dégrade l'image d'une personnalité morte depuis très longtemps dans un espace public auquel tu ne peux pas te soustraire, n'est absolument pas comparable.
    Il faut bien avoir conscience de cela. Tu es OBLIGÉE de voir cette pub !

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  12. A lucia mel encore : un autre amalgame à ne pas faire : "rabaisser et ridiculiser" n'est pas synonyme de "caricaturer".

    A Héloise et Artémise : oui son compte est bon. Mais je ne resterai pas les bras croisés, vous pouvez me croire! >8-(

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  13. En fait, je trouve surtout cette publicité moche et bâclé.

    Me méfiant toujours des icônes, que les pubeux s'approprient Hildegarde von Bingen ne me devrais pas me déranger. Pas plus que lorsqu'il détournent d'autres images au statut tout aussi iconique (Cf. les publicités de Leclerc en France, reprenant les slogans et images de 68 pour en faire des antiennes consuméristes).

    Nos pubeux, ont faite leur cette mésaction d'imprégner les esprits à l'aide de leviers iconotextuels, ne reculant devant aucune abjection, aucun cynisme.

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  14. A Wakajawaka : ok, sauf qu'une icône est avant tout la "multiplication d'une représentation" comme les icônes russes très codés. On peut dire cela de Marilyn Monroe et de Napoléon dont les représentations ne se comptent plus et se reconnaissent à la milliseconde. Mais là, personne ne reconnaît Hildegarde de Bingen. On s'en doute juste à cause du contexte. Grands personnages historiques allemands ? Vu le costume cela ne peut être qu'elle. J'ai vérifié. Les allemands ne la reconnaissent pas.
    Ensuite j'ai vérifié sur le site de ZDF et c'est bien elle.
    Démolir une représentation alors qu'il n'y en a déjà pas ou peu, c'est deux fois plus abject.

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  15. En langage iconotextuel, une "icône" est une représentation présentant une charge signifiante assez importante pour être reconnue soit en tant qu'"objet" -Hildegarde reconnue pour "Hildegarde"- soit au niveau de sa charge symbolique (religieuse, herboriste, compositrice, ou pour le grand public "image de femme de l'époque médiévale", etc.) et donc avoir un impact sur le public.

    Comme je l'ai écrit précédemment, c'est la démarche publicitaire -et commerciale- qui me déplait dans son ensemble.
    Elle me dérange beaucoup plus quand elle sert à ancrer dans l'inconscient collectif des contrevérités (battage anti suixante huit en France, utilisation de slogans libertaires à rebrousse-poil, etc.) qui à force de matraquage vont prendre force de vérité et modifier la lecture des événements/des idées.

    Pour cette pauvre Hildegarde, hélas, la bataille est perdue d'avance, car, comme vous le faisiez remarquer, beaucoup ne la reconnaissent pas sous l'image.

    La force des publicistes est de jouer sur le registre de l'humour pour nous rendre complices de notre propre abêtissement/asservissement.

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  16. A Wakajawaka : OK vu comme cela, je comprends. Et j'ai d'ailleurs l'impression que ces contrevérités ou déformations, perversions de la réalité et de l'histoire qui n'auront pas fonctionnées avec la publicité vont être dans certains cas reprises par le cinéma. D'autres cinéastes, au contraire, vont faire la démarche de rétablir des vérités (au moyen de films à petit budget). Roland Emmerich, par exemple, a tourné un film (grosse production 3D) pour tuer Shakespeare, tandis que Margaret von Trotta en a fait un plus humble pour donner vie à Hildegarde de Bingen.

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  17. Roland Emmerich est - à mes yeux- un néant cinématographique. Mal scénarisés, dégoulinant de mièvrerie et de patriotisme crasse, ses blockbusters ne sont même pas des films bubble-gum : il ne valent pas l'air qu'il y a dans les bulles.
    (Je crois qu'on aura compris que j'ai ce "cinéaste" en horreur ^_^).

    Il y a une quinzaine années de cela, Arte avait diffusé un excellent Thema sur Hildegarde von Bingen qui abordait toutes ses facettes, de la mystique à la "femme savante".
    Il était précédé d'une interprétation jouée et chantée de "De Ordo Virtutum".
    A l'époque les programmes de cette chaine plaçaient la barre très haut.
    C'est regrettable qu'ils aient -depuis- revu leurs prétentions sérieusement à la baisse.

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  18. A Wakajawaka : d'accord mais c'est lui qui obtient les sommes les plus considérables pour tourner ses films bourrés de clichés. Néanmoins je suis contente qu'il ait traité le réchauffement climatique (dans "The day after tomorrow"), peu importe la manière. Un blockbuster sur ce thème est précieux.

    Arte décline depuis le gouvernement Sarko. L'État a la main mise sur la télé et les allemands, qui veulent maintenir l'existence du tandem politique franco-allemand, laissent faire.

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