
Un personnage et non des moindres va s'opposer fermement à l'idée de la virginité comme étant la plus haute sur l'échelle des vertus et, à l'opposé des catholiques, y placer le mariage.
C'est Martin Luther.
Son opinion sur la question, transcrite dans ses ouvrages qui s'imprimaient à la vitesse de l'éclair et passaient de main en main dans toute l'Europe, fut vite connue de tout le monde, religieuses des couvents compris.
Les femmes y ont alors vu là le signal d'un changement de leur condition et ont cru que le bout du tunnel se rapprochait.
Certaines jeunes ou moins jeunes femmes placées de force dans ces abbayes et ces cloîtres qui les condamnaient à la virginité éternelle, étant, pour la plupart d'entre elles, celles dont on s'était débarrassé pour ne pas avoir à payer de dot pour leur mariage, organisèrent leur fuite et prétextèrent de la "nouvelle opinion" pour rompre leurs voeux.
Ce fut le cas de Catherine de Bore, nom francisé de Katharina von Bora, qui s'enfuit de son couvent avec ses compagnes, cachées dans des tonneaux à poissons.
C'est à Pâques de l'année 1523, qu'un voiturier venant livrer du poisson à l’abbaye cistercienne de Nimbschen cache sans le savoir ou en le sachant, Katharina et onze de ses consœurs dans des caques de poisson et les fait franchir les portes de l’abbaye. Des complices extérieurs attendent les évadées et leur permettent de trouver des refuges. À Wittenberg, Katharina est hébergée par Barbara Brengebier, épouse du peintre Lucas Cranach. C'est là que Catherine va rencontrer son futur époux : le moine excommunié Martin Luther en personne !
Au dire d'Erasme, beaucoup de religieuses firent de même aux Pays-Bas. En France, l'abbesse de Tournay Marie d'Entière fut aussi du nombre. Il y en eut bien d'autres dont le nom n'est pas parvenu jusqu'à nous.
À l'instar de la Révolution francaise et de la Commune, le temps de la Réforme a représenté un moment charnière de l'histoire capable de communiquer aux femmes l'espoir d'un changement notable de leur condition.
L'espoir fut de courte durée puisque catholiques et réformés s'entendirent au Concile de Trente pour frapper la femme d'incapacité juridique et réaffirmer par un décret qu'étant physiologiquement et psychologiquement inférieure, elle devait être tenue à l'écart des affaires publiques. Du moins Catherine de Bore n'aura pas connu ce Concile qui eut lieu bien après la mort du couple.