mardi 31 mai 2011

Dans le chansonnier d'Ottilia Fenchler

La strasbourgeoise du XVIe siècle Ottilia Fenchler dite aussi Ottilia Fenchlerin (on féminisait les noms de famille en ancien allemand) a rassemblé 50 chants dans lesquels les textes ont été modifiés pour représenter une perspective féminine.
Dans le chant "Ach gott ich thue dich bitten" (Ah Dieu je te prie) qui termine par une mise en garde : "Merkt auf jr jungen gesellen, hüt euch für jungfrawen list" (retenez ceci jeunes hommes : gardez-vous bien de la ruse des jeunes filles) a été transformé comme suit "Merkt auf jr jungfrawen alle, hüett für der jüngling list" (retenez ceci jeunes filles : gardez vous bien de la ruse des jeunes hommes)
Dans 28 chants toutes les phrases de prières connues pour s'adresser aux hommes ont été transformées de cette manière dans ce célèbre chansonnier (1592) probablement par la malicieuse et féministe avant l'heure Ottilia Fenchler elle-même, ce qui donna lieu à des critiques acerbes de la part de chercheurs en chansons populaires (comme un certain Arthur Kopp) dans les siècles qui suivirent la mort de notre collectionneuse alsacienne.
Cette anecdote est également mentionnée dans le livre de Linda Maria Koldau sur les femmes et la culture musicale.



Impossible de trouver un enregistrement tiré de ce chansonnier, je vous laisse donc à Strasbourg sur la place Kléber (je la reconnais à ses pavés) avec une harpiste de rue qui a une jolie voix bien que l'enregistrement ne soit pas de première qualité + termine abruptement. Désolée.

dimanche 29 mai 2011

Dans le chansonnier de Katharina von Hatzfeld

Je n'en mène pas large pour traduire le dialecte de ce chant. Qui veut m'aider ?

Ich klage mich siere, ich arme wyf
Je me plains beaucoup, moi pauvre femme
Kratze nyn stoltzen lyf
Gratte maintenant fière vie
Dye floe doynt mich byssen,
Les (puces ?) me piquent
myn gewant doyn ich zerryssen
Ma robe j'ai déchirée
Wust ich darvur eyn vrunt,
Si je connaissais un ami
der myrs verdryven kunt
qui pouvait me les chasser

Dae geve ich alles umb
je donnerais tout pour...
my man ligt wie eyn stumb
Mon mari est couché comme une souche
hylft my geyn floe eynstucken
ne m'aide pas à (me débarrasser des puces ?)
fliest nachtz yn synen schuhen
s'enfuit la nuit dans ses chaussures
recht wie eyn vulls swyn
droit comme (un cochon saoûl ?)
hat ym gedain der wyn

Le vin l'a achevé

Och Gott, wie sall ich halden huys?
Ô dieu comment puis-je tenir ma maison ?
my man, der leift ym suys
mon mari se laisse (vite en aller?),
komptzo der mythernacht heymhyncken
rentre à la maison vers minuit en boitant
Der wyn ded uys ym styncken
Le vin s'exhale de sa personne
daezu stynck ym das muyll
De plus sa gueule lui pue
im bett dae ist y fuyll.
dans le lit (ou sa barbe) c'en est plein (?)

Geine freud ich van eime hayn,
Je n'ai pas de joie de sa part
dat macht syn wynegayn,
je préfère quand il part
dae zu syn groysses follen.
(c'est sa grande volonté ?)
Liege ich uf eyner zynnen
Si j'étais couché sur un (créneau?)
Und fiele yn Reyn hynaff
Et lui tombait directement dessus
were mit mir eyn groysse freudt.
cela me remplirait de joie

Sterv hy vor Collen hyn
S'il (mourrait ?) de
so wulde ich mynen syn
(je serais mon propre maître ?)
zo eynem jongen setzen,
(mettrais un enfant au monde ? ou vivrais avec un garcon)
der myr des leytz ergetze
qui me.... (le cordon ?)
der myr die floe verdryf,
qui me chasseraient les puces (?)
syn eigen ich blyf.
je resterai sienne.

C'est de la devinette mais cela permet d'appréhender un peu le sens général.

Le chansonnier d'Amalia de Clèves (1517-1586) serait en fait celui de Katharina de Hatzfeld (1536-1571) une dame d'honneur de la duchesse, et une ou deux chansons d'Amalia s'y trouvant , on le lui aurait attribué.
Il ne contient pas de notes comme le chansonnier de Catherina Tirs et celui d'Anne de Cologne, c'est la raison pour laquelle, nous n'avons pas d'enregistrement. La chanson que j'ai tenté de traduire se distingue nettement des autres. Elle aurait été exprès recouverte de taches par un lecteur masculin
pour être rendue illisible.
Il semblerait que
dans ces chansonniers les chansons qui étaient trop ostensiblement le reflet d'une perspective féminine ont fortement dérangé les musicologues des siècles suivants.
C'est ce que raconte Linda Maria Koldau dans "Frauen - Musik - Kultur" (les femmes et la culture musicale), le livre d'où j'ai extrait ce poème et qui n'existe pas (encore) en francais.
Ce poème sur la pénibilité du mariage fait penser à celui de Nicole Estienne Liébault que j'ai cité ici et qui s'intitulait
Les Misères de la Femme mariée, où se peuvent voir les peines et tourmens qu’elle reçoit durant sa vie, mis en forme de stances par Madame Liebault.


Catherina Tirs, nonne de Münster

D'après le musicologue allemand Christian Bettels, les comtes et surtout comtesses de Loon, Clèves, Gueldre, Brabant, Blois, Champagne et Bretagne s'occupaient traditionnellement du développement et de la conservation des chants lyriques de cour, mais aussi de quelques chants liturgiques et profanes comme dans le cas d'Amalia de Clèves, ceci du moins jusqu'au milieu du XVIe siècle qui voit le chant supplanté par les madrigaux.
Ainsi un vaste champ artistique paneuropéen s'était créé grâce à l'attention muée en tradition de quelques un.e.s autour de la musique.
Parallèlement des nonnes comme Catherina Tirs (ou Thiers, ou Thirs) rédigeaient leurs propres chansonniers avec des compositions plus spécifiques à la vie des couvents.
Son chansonnier passe pour la dernière source existante de chants religieux médiévaux sur le sol allemand.

Catherina Tirs, nonne de Münster :

(Photo: les cages, encore visibles aujourd'hui, où furent en 1534 suspendus les chefs anabaptistes, sur la flèche de l'église Saint-Lambert de Münster).

A l'époque de la Réforme le nombre de nonnes diminue considérablement au couvent de Niesing près de Münster en Westphalie car elles s'enfuient toutes à Ahlen non loin de là. Münster qui comprend en ce temps 5000 femmes et seulement 2000 hommes est entièrement sous l'influence des anabaptistes, une religion dissidente dérivée du christianisme, qui refusent le baptême. Ses adeptes seront tous massacrés (les cadavres des chefs Jan van Leiden, Knipperdollinck et Rothmann exposés dans des cages suspendus à la flèche de l'église Saint-Lambert) parallèlement à la grande répression des paysans allemands.
Après la recatholisation de la ville, Catherina Tirs entre au couvent de Niesing aujourd'hui Marienthal quelque part entre 1550 et 1580. Nous ne savons rien de sa famille ni même si elle était originaire de la région de Münster. Ni même si son nom est exact.
Elle lit et écrit le latin et le bas-allemand. Elle a signé un chansonnier contenant 79 chants liturgiques dont malheureusement l'original a disparu dans l'incendie de la bibliothèque du couvent de Niesing où il était conservé.

Catherina Tirs byn ick genanth. Ik stelle alle myne sake in godes hant.“
(on m'appelle Catherina Tirs. Je place tout ce que je possède dans la main de dieu).

C'est ainsi que son chansonnier est dédicacé.

Les prêtres de l'époque n'avaient rien contre le chant car ils disaient que "celui/celle qui chante, ne pèche pas".

Or chanter permettait aux nonnes d'extérioriser librement leurs sentiments ce qu'elles ne pouvaient guère faire autrement. Elles exprimaient amour, joie, gaieté, enthousiasme, jubilation mais aussi tristesse, peur et désespoir et s'offraient par ce moyen une consolation. Elles pouvaient probablement détourner ainsi la loi du silence et échapper à la solitude, cela leur permettait même de critiquer leurs supérieurs ou s'adonner à des moqueries dissimulées.

Je n'ai pas trouvé le moindre enregistrement se référant à ce chansonnier mais sur l'universalité du chant, j'ai eu envie de vous faire entendre non le Benedicamus domino chantée selon la version des nonnes de Marienthal puisque je ne dispose pas d'enregistrement, mais avec des voix masculines sous une forme qui n'est pas sans évoquer la mélopée traditionnelle arabe qui, personnellement, me touche en raison de son aspect spirituel et intemporel.
Vous n'aimerez peut-être pas mais tant pis, ne m'en voulez pas quand même !.
Moi j 'aime.

vendredi 27 mai 2011

Anne de Cologne, collectionneuse de chants

Toute à ma recherche sur les chants rassemblés par Amalia (Amélie) de Clèves, je découvre une mine de recueils de chants rassemblés par des femmes de la région Rhin-Meuse (Düsseldorf, Cologne, Strasbourg, Bâle, entre autres) souvent des béguines comme Anna von Köln (Anne de Cologne) ou des femmes de la noblesse comme Amalia von Kleve. Je ne sais pas encore grand chose d'elles mais du moins sais-je, qu'elles s'appellent encore Katharina de Hatzfeld, Ottilia Fenchler et Klara Hätzlerin, et ont toutes écrit et rassemblés des chants, la plupart du temps religieux, dans une langue rhénano-néerlandaise qui n'a plus cours aujourd'hui.
Avec beaucoup de difficultés et de véritables ruses de sioux (orthographes diverses, langues diverses et google de différents pays) j'ai réussi à dénicher, victoire ! cet exemplaire sur youtube :



Ce chant a été recueilli v. 1500 par Anne de Cologne. Il date du XVe siècle et s'appelle : Mit vrouden quam der engel. La traduction en est : "Empli de joie, l'ange arriva". Les chants compilés dans le Liederbuch dit "Chansonnier" d'Anna von Köln ont fait l'objet d'un enregistrement CD intitulé Rose van Jhericho. Avis aux amateurs/trices (je devrais me faire sponsoriser, moi !).

En concert le 10.09.2011 à la cathédrale de Cologne à l'occasion de la nuit de la musique : à 18h l'ensemble (bourguignon) delasoIRe et à 22h les chants du "chansonnier" d'Anna von Köln !

jeudi 26 mai 2011

L'énigme du jour




Le chant de Katharina de Hatzfeld étant assez difficile à traduire parce qu'en ancien dialecte rhénano-flamand et que je n'en ai pas fini le déchiffrage, je vous laisse, en attendant d'en venir à bout, en compagnie de ce tableau avec la question suivante : qu'est ce que CE portrait d'Anne de Clèves a de particulier ?

Regardez les détails de ce tableau ici. A quelle époque a t-il été peint ?

C'est coup de grisou qui a trouvé en rusant un peu (il faut dire que je n'avais pas effacé correctement les pistes).
En effet, il s'agit d'une copie exécutée vers 1860/62 par Edgar Degas, un peintre impressionniste surtout connue pour ses ballerines.

Voilà un tableau qui devrait plaire à Alice!

lundi 23 mai 2011

Les soeurs de Clèves




On connaît bien Anne de Clèves, six mois reine d'Angleterre et injuriée par Henri VIII qui n'avait d'yeux que pour la pauvre petite Catherine Howard (15 ans ; il en avait 52) décapitée deux ans après en avoir fait sa femme. Ce roi-tyran épousa la duchesse clévoise contre son gré, ce qui l'autorisait d'après lui à la décrire comme une "jument flamande", ce dont les historiens se sont ensuite tous gaussés. Certes elle était trop grande pour ce tyran, trop mûre d'esprit et surtout trop indépendante, certainement trop intelligente et possédant à coup sûr trop de personnalité pour quelqu'un devant lequel le monde entier devait plier.
Il finira par plier devant elle et lui assurer une rente avec laquelle elle mènera une vie sans tracas et sans époux aucun à la cour d'Angleterre. Et cela malgré le dicton (humoristique) populaire allemand : "mieux vaut un homme que pas de tracas du tout".

On connaît bien Anne de Clèves mais on ne connaît pas du tout ses soeurs : la benjamine (en bas) Amalia de Clèves dont Holbein fit ce joli dessin, et l'aînée Sibylle de Clèves (en haut) que Cranach peignit à sa manière qui était de transformer un peu tout le monde en kobold avec les yeux en amande et les oreilles pointues.
Sur ce portrait Sibylle n' a que 14 ans. Elle se mariera avec le prince électeur de Saxe, Jean-Frédéric Ier dit le Magnanime avec lequel il semble qu'elle fut très heureuse d'après les lettres tendres qui nous restent d'eux. Elle soutint l'extension de la Réforme luthérienne dans le but, entre autres, de faire la guerre à Charles Quint, vous savez celui qui les enterrait vivantes, les flamandes... elle se battit d'ailleurs contre un régiment impérial à la tête d'une armée comme cheffe de guerre. Il existe un tableau qui la présente également en train de transpercer un daim avec une lance. Pas une femme pour Henri VIII non plus, celle-là !
Amalia de Clèves resta toute sa vie célibataire. Elle fut l'enjeu d'âpres négociations politiques dont aucune n'aboutit, ce qui entraîna son célibat définitif. Elle eut de la chance, en France où le célibat n' était pas toléré à moins d'être veuve, on l'aurait casée au couvent. En France, on se mariait avec un homme ou avec Dieu mais on se mariait.
Amalia ne sachant que faire de son temps réalisa un livre de chants dont l'original est conservé à la bibliothèque nationale de Berlin.
Il comprend 33 chants religieux et profanes de diverses autrices.
On y trouve "La complainte de la femme mariée", un chant sombre sur les mauvais traitements infligés par un époux à sa femme. Il est de Katharina de Hatzfeld que je présenterai dans le billet prochain.
Ces trois soeurs avaient un frère mais je n'en parlerai pas ici et une mère Marie de Juliers-Clèves qui avait un temps été régente donc femme de pouvoir. Elle resta, vent debout, une fervente catholique malgré les sympathies de son mari et de son père pour la Réforme, un peu comme la mère du héros de "Fortune de France" de Robert Merle. Ceci explique peut-être le caractère peu timide de ses filles.

Ah oui ! j'oubliais : la Clèves fait aujourd'hui partie de la Rhénanie-Westphalie.

samedi 21 mai 2011

Mon blog a 1 an !



Aujourd'hui mon blog célèbre son tout premier anniversaire !
A cette occasion je publie un récapitulatif des femmes d'exception issues du XVIe siècle que j'ai évoquées dans ce blog. Je ne ferais pas le récapitulatif des femmes des autres siècles dont j'ai mentionné le nom qui, avec mes listes commémoratives, sont devenues bien trop nombreuses pour les reprendre toutes. Je me contente de mes quatre-vingt cinq élues nées ou mortes entre 1500 et 1600 dont j'ai parlé l'année écoulée en attendant les prochaines. Il s'agissait de :
  1. Levina Teerlinc 2. Catharina van Hemessen 3.Margaret Roper 4. Sofonisba Anguissola 5. Suzanne de Court 6. La fille d'Ange Vergèce 7. La fille de Corneille de Lyon 8. Marie de Guise 9. Marguerite de Valois 10. Jacquette de Montbron 11. Catherine Des Roches 12. Catherine de Médicis 13. Helisenne de Crenne 14. Marguerite de Navarre 15. Nicole Estienne Liébault 16. Anne de Marquets 17. Virginia Vezzi 18. Artemisia Gentileschi 19. Lavinia Fontana 20. Fede Galizia 21. Gabrielle de Coignard 22. Louise Labé 23. Properzia de Rossi 24. Jeanne Flore 25. Pernette du Guillet 26. Susanna Horenbout 27. Jane Grey 28. Marie Tudor 29. Catherine d'Aragon 30. Anne Boleyn 31. Jeanne Seymour 32. Anne de Clève 33. Catherine Howard 34. Catherine Parr 35. Gelonis Salmon-Macrin 36. Madeleine Boursette 37. Barbe Regnault 38. Madeleine Berthelin 39. Francoise Louvain 40. Marie Langelier 41. Francoise Patelé 42. Madesleine de Laubépine 43. Marie Le Gendre 44. Marie de Gournay 45. Barbe de Mascon 46. Jeanne Trepperel 47. Marie Atteignant 48. Denise de Marnef 49. Denise Girault 50. Yolande Bonhomme 51. Charlotte Guillard 52. Margaret Pole 53. Diana Scultori Ghisi 54. Irène Spilimbergo 55. Catherine de Bore 56. Marie d'Entière 57. Françoise de Bourdeille 58. Anne de Graville 59. Vittoria Aleotti 60. Claude de France 61. Louyse Bourgeois 62. Marie de Hongrie 63. Maddalena Casulana 64. Isabelle de Médicis 65. Thérèse d'Avila 66. Francesca Caccini 67. Marie Stuart 68. Jeanne d'Albret 69. Marie Pembroke 70. Amelia Bassano Lanier 71. Marie de Barbançon 72. Madeleine de Miraumont, 73. Claude de la Tour 74. Lucrezia Orsina Vizzana 75. Claudia Francesca Rusca 76. Antonietta Gonsalvus 77. Claudine de Bectoz 78. Pulisena Nelli 79. Olympe Fulvie Morat 80. Vittoria Colonna 81. Anne d'Este 82. Antoinette van Roesmal 83. Anne de Pisseleu 84. Margarete Renner 85. Isabelle d'Este.


Et des 15 hommes (d'autres suivront) qui devraient être un peu plus célèbres parce que particulièrement opposés à l'infériorisation des femmes :

1. Corneille Agrippa de Nettesheim 2. Pierre Bourdeille, seigneur de Brantôme 3. Claude de Taillemont, 4. Jean de Tournes alias J.D.T., 5. Pierre de Sainte-Lucie, 6. Denis de Harsy, 7. Guillaume Roville, 8. Antoine du Moulin, 9. Maurice Scève, 10. Lefèvre d'Etaples, 11. Jan Amos Komesky alias Comenius 12. Mario Equicola. 13. Thomas More 14. Joss Clichtove 15. Joachim du Bellay

Sinon les requêtes les plus fréquentes qui ont abouti à mon blog ont été les suivantes :


Mireille Huchon

henry 8 (Henri VIII, Henri 8, henri 8 et également henri viii)

Properzia Rossi

Catherine d'Aragon

Jeanne Seymour

Artemisia Gentileschi

Anne de Clève

je suis juliette et je suis faite de la même matière que les rêves (merci à Hypathie qui a eu la géniale idée de mettre cette phrase pub dans mes commentaires ! :o$)

et quelques requêtes + délirantes :

2002 cruelle douceur question correction d'aprés marie billet

euterpe extrémiste

la vivre à couches saone et loire nombre de personnes présentes

euterpe indienne

quel trajet faire pour voir tous les eros center de cologne (ben voyons c'est tout à fait le sujet de mon blog !)



Un grand merci à tous mes visiteuses et visiteurs qui sont venu.e.s 54 204 fois jeter un coup d'oeil ici. Sans vous ce blog n'aurait pas de sens !


bon c'est pas tout ça mais pour sortir un peu du XVIe siècle et me détendre un peu, je vais aller bruncher au restaurant italien "Opera Italiana" en face du parc du château, moi.

Pour sortir du XVIe siècle....euh....vous avez vu ce qu'il y a sur la carte ?!



Pile pour l'anniversaire de ce blog j'apprends que mon billet sur l'omerta en France a été sélectionné ici !

vendredi 20 mai 2011

Pistion et Fortunie au Québec ou la souffrance des femmes intéressent-elles seulement les hommes ?

"Les amours de Pistion et de Fortunie" d'Antoine du Périer, 1601, donne quelques indications non négligeables sur la sexualité de nos ancêtres, les (coqs) gaulois. L'auteur situe l'action au Québec. C'est, à l'aube du XVIIe siècle, le premier roman qui transporte ainsi le/la lecteur/rice au "Nouveau Monde". Et il se trouve dans ces pages une intéressante scène de dépucelage. Un dépucelage totalement consenti, certes, mais qui, néanmoins, à lire les plaintes de la jeune fille s'apparente plutôt à un viol puisque le jeune homme, Pistion, ne semble pas du tout se préoccuper de ce que ressent sa bien-aimée. Elle pousse des cris de souffrance, elle pleure : il n'en tient aucunement compte. Elle finit par lui dire :

quel plaisir peux-tu tirer de mes soupirs et de mes douleurs? Ne veux-tu point arrester un peu ceste furieuse passion qui me tue? Te sera-t-il reproché de faire des funérailles, au lieu des noces de ta Fortunie, qui t'honore plus que soi-même? Refuseras-tu la vie à ta chère épouse, qui abattue de tes coups de la demande, que tu ne voudrais ôter au plus cruel de tes ennemis, si couvert de sang comme moi, il la requerrait à ta courtoisie? Que si pour te donner du contentement j'ai reçu de l'affliction, encore est-il raisonnable que tu retranches, pour l'amour de moi, quelque peu ce plaisir qui me fait tant de peine. Si tu as passé tant de jours sans avoir autre faveur que de me voir et de parler à moi, combien te dois-tu maintenant estimer heureux d'être couché auprès les lys et des roses de ce beau visage que tu peux amoureusement baiser quand tu veux! Que ces yeux qui ont allumé dans ton coeur ces vives flammes, te fassent maintenant pitié par ces larmes de leur affliction qui les veulent éteindre.“

Ce à quoi Pistion répond :

Belle Princesse, vous n'en mourrez pas, croyez-moi, et la douleur que vous appréhendez, vous serait une autrefois autant qu'à ce coup insupportable, ce sont de douces morts que celles du mariage, que quelque jour vous désirerez plus souvent que les courtoisies que vous me demandez ; quelle apparence y a-t-il qu'en la possession de vos beautés il me reste encore du désir, qui rendoit mon amour imparfaite?“


Traduction : qu'elle cesse de se lamenter, "il n'y a pas mort d'homme" et elle va s'habituer.

Comme quoi le viol peut se nicher dans la relation amoureuse elle-même, mais on dirait que c'est uniquement un ressenti féminin car pour l'homme de cette histoire, apparemment, il n'y a PAS viol. La souffrance exprimée de toutes les manières possibles ne veut rien dire pour lui.

A ce propos et à propos des événements qui agitent la France actuellement :

quelques bribes de l'interview de la québecquoise Denise Bombardier dans cette vidéo :

"on a oublié qu'il y avait une victime potentielle...on a tout de suite inversé"

"les grands ténors sont montés aux créneaux : "c'est notre amîîî, il n'est pas violêênt"..."

"Il n'y a que les femmes qui savent si les hommes sont violents dans leur sexualité parce que...ce sont les femmes qui sont avec les hommes !"

"non, il n'y a pas eu cette retenue...elle n'a été appliqué que par quelques personnes"

"quand j'arrive en France et que je vois cela..."

"chez vous...il n'y a pas de sympathie pour la femme violée"

"j'ai entendu l'un de ces hommes dire une f...ation même obligatoire, c'est quand même pas un viol !"

"vous vivez encore dans un machisme archaïque"


Peut-on lui donner tort ?

[Cette vidéo est également relayé ici avec un témoignage bouleversant qui assure]

14.13 h : Emelire me signale une pétition à signer ici pour enfin sortir du pléistocène ! Et sur les victimes présumées de viol un article de Mix-Cité Paris ici

jeudi 19 mai 2011

L'omerta en France





Oser parler ? Non, se taire

Tristane Banon, écrivaine. Elle craint qu'un certain Ramzy Khiroun lui refasse le portrait. Elle renonce à la carrière de journaliste à laquelle elle se destinait.

Oser se moquer ? Non, se taire

Stéphane Guillon,humoriste. Licencié par Philippe Val, directeur de Radio France, il voit sa carrière à France Inter brutalement interrompue.

Oser écrire ? Non, se taire

Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles. Article censuré par le journal + invité par Ramzy Khiroun à supprimer un billet sur son blog évoquant à mots couverts un "penchant" qui "pose problème" chez un homme politique influent.

Oser faire une déclaration publique ? Non, se taire

Anne Mansouret, candidate au primaire socialiste. Le restera t-elle ? Une certaine Michèle Sabban réclame sa tête à cor et à cri.

Oser publier un livre ? Non, se taire

Les éditions Plon publient un livre signé d'un(e) certain(e) Cassandre. Stephane Fouks et Ramzy Khiroun, entre autres, portent plainte. Olivier Orban, directeur des éditions Plon se retrouvent chez le juge d'instruction.



Non, il ne faut pas oser et le secret doit rester bien gardé. Pas touche à la "vie privée", on vous dit !

"Le Canard", dans son édition du 18 mai 2011, sous la rubrique "On vous l'avait bien (pas) dit" rappelle que selon son code de déontologie l'information s'arrête toujours à la porte de la chambre à coucher. Très bien, mais...

même si derrière cette porte quelqu'un.e est en train de hurler au viol ?

A ECOUTER ICI* CE QUE DISENT BRUNET ET JEAN QUATREMER SUR CE COMPORTEMENT SI MERITOIRE !

(*emprunté à Mauvaise Herbe)
Un article à lire ici

mercredi 18 mai 2011

Continence et incontinence

Les instituts de sondages financées par le contribuable y vont de leur intox sur ce que pensent le/la concitoyen.ne moyen.ne de ce que l'on peut bien appelé maintenant "l'affaire DSK". C'est le gouvernement par les sondages. Ils servent à induire une opinion majoritaire ; on l'a dit à 57%, chiffre avalable, pour ce qui est de la fameuse théorie du complot. Parce que premièrement :
Que faisait la femme de chambre dans une chambre occupée ? L'une des questions les plus posées par les partisans de la théorie. Or la porte était ouverte...mais...ont-ils pensé que cette porte ouverte aurait pu être le piège à souris mis au point par DSK lui-même et de longue date pour attirer les femmes de chambre en quête d'une chambre vide à nettoyer ? Combien alors de femmes de chambre auraient subi une agression qu'elles auraient préféré ne pas divulguer par peur des représailles avant qu'une obscure new-yorkaise, tellement obscure qu'elle ignorait l'hypercélébrité de son agresseur, porte plainte ? Ayant jobber 15 jours de ma vie dans ce palpitant domaine, ce que pense une femme de chambre qui traîne avec son seau et son aspirateur toute seule dans les couloirs, ne m'est pas complètement étranger. "Cette chambre est-elle vide ?" Si la porte est ouverte, alors oui. On glisse le nez, écoute s'il y a du bruit. "Non, non je ne suis pas encore parti !" crie l'occupant (beaucoup d'hommes seuls qui sont revenus vérifier qu'il n'oubliaient rien). "Oh pardon !". En fait, on a juste passé la tête, ce n'est donc pas difficile de ressortir. OK, il ne s'agissait pas de suites princières à 3000 dollars la nuit, donc, on ne passait que la tête. Mais qui fréquente beaucoup les hôtels sait pertinement qu'une porte ouverte est un excellent piège à femme de chambre.

On peut donc, si l'on veut, opposer la théorie du complot à une autre théorie, celle du piège à femmes de chambre. Avec de l'imagination tout est possible.


Quand, dans les médias, on entend le viol confondu avec la gaudriole, confondu avec l'adultère, confondu avec une forme de drague un peu insistante, confondu avec une addiction, confondu avec une défaillance passagère sans conséquence, confondu avec de la virilité, confondu avec la vie privée (où est le privé là-dedans), confondu avec...etc, la liste est longue, je pense à ce thème typiquement masculin prisé de la peinture classique, thème qui n'aurait pu éclore dans l'esprit d'une femme ni être traité par une femme : "La continence de Scipion" aussi appelé "La chasteté de Scipion".
Scipion se fait offrir une belle esclave comme on se fait offrir une boîte de pralines et au lieu de se jeter dessus sauvagement comme il aurait été normal qu'il fasse, puique c'est lui le chef et que c'est un cadeau, que fait-il ? Il rend la jeune fille à son fiancé.
Ce tableau ne s'appelle pourtant pas "La magnanimité de Scipion".


C'est donc qu'à partir d'un certain degré de puissance, la question du consentement ne se pose plus pour les inférieurs. D'où le tollé en France autour de l'arrestation de DSK car Scipion prend s'il veut et s'il ne veut pas c'est qu'il est chaste, qu'il est continent et c'est cela qui est extraordinaire.
La continence de Scipion.
Tellement peu ordinaire que cela devient le sujet de nombreux tableaux au cours des siècles à partir de la Renaissance. Comme le détail de celui de Niccolo dell'Abbate ci-dessus ou celui de Michele Rocca ci-dessous :


Scipion restitue la belle vierge captive celtibère Panthée à son fiancé Allucius (détail : Scipion).
Ce thème est tiré de l'histoire romaine. Notre culture est romaine et opposée à la culture des troubadours dont parle Mario Equicola, et puis surtout surtout......opposée à la culture anglo-saxonne !









La vierge captive celtibère Panthée toute contrite attend de savoir à quelle sauce elle va être mangée....

Ajout de la soirée : un article sur un courtisan indigné de notre Scipion manqué...
Ajout du lendemain matin : qui est un tyran en France ? Cet humoriste a été licencié en juin 2010 après cette très prémonitoire émission-là parce que :
"L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans" (dixit le patron de FI).
Par contre le drame peut très bien être confisqué par de grands tyrans. Dans un pays anglo-saxon, c'est la personne visée par l'humoriste qui aurait été priée de démissionner ! Mais on est en France pays des droits intouchables de l'homo, hominis.

lundi 16 mai 2011

Violence et abus sexuels : qu'est-ce qui a changé en 460 ans ?

Oui, je sais, 460 ans c'est long. Mais justement, Nous sommes censés avoir fait des progrès faramineux depuis tout ce temps ! Nous sommes censé nous être développés, civilisés, humanisés, droidelomisés, libérés, solidarisés, égalisés.

Depuis qu'il est de nouveau question d'agression sexuelle à la une, j'ai relu l'Heptaméron de Marguerite de Navarre car se niche là la France profonde de l'attentat sexuel. Attentat sexuel qui n'a cessé d'être plus ou moins vu comme ÉLÉMENT de la vie amoureuse et privée. Si, si. En France l'agression sexuel reste assimilé dans l'esprit masculin à une sorte d'"avance" !

Exemple : dans la 41e nouvelle, M. de N. raconte que dans la nuit de Noel, un confesseur après avoir écouté les confessions d'une jeune fille qu'il dut trouver sans doute alléchante, lui donna une drôle de pénitence à exécuter pour la rémission de ces péchés. Elle devait ceindre la corde de la robe du moine confesseur en question sur sa peau nue et prier dans cette tenue étrange. La jeune fille répondit qu'à cela ne tienne, elle prendrait la corde avec elle et irait exécuter la pénitence tranquille dans sa chambre. Mais le moine expliqua qu'elle ne serait absoute que si elle se déshabillait sous ses yeux, ben voyons. La jeune fille, bien que du XVIe siècle et donc ne lisant aucun journal ni blog, comprit quand même qu'il y avait quelque chose de pas catholique là dessous et se plaignit de lui à qui de droit.
Je résume cette nouvelle parce que les réactions des auditeurs consignées à la fin m'intéressent plus que l'histoire elle-même. En effet, le principe de ce livre a une certaine parenté avec un blog puisqu'à la fin de chaque histoire, la même bande de commentateurs y va de sa réflexion sur ce qui vient d'être narré.
Pour souligner l'intéressant écart entre les réactions féminines légitimement scandalisées et masculines nettement plus solidaires du criminel, je désigne les intervenants sous le nom d'"homme" et de "femme" et je les numérote puis je traduis un peu les idées émises pour faciliter la compréhension.

Homme 1 (le conteur de la nouvelle) : Regardez, mesdames, si en une maison si honorable ils n'ont point peur de déclarer leurs folies, qu'ils peuvent faire aux pauvres lieux où ordinairement ils vont faire leurs quêtes, où les occasions leur sont présentées si faciles que c'est miracle quand ils échappent sans scandale. Qui me fait vous prier, mesdames, de tourner votre mauvaise estime en compassion. Et pensez que celui qui aveugle les Cordeliers n'épargne pas les dames quand il le trouve à propos.
Homme 1 veut dire que puisque les moines ont de très grosses facilités à abuser des jeunes femmes pauvres et le font si massivement que c'est miracle qu'ils ne se fassent pas prendre, il faut donc mesdames être compatissante en voyant que les moines s'en prennent aussi bien à de grandes dames (la jeune fille appartient à la célèbre maison d'Egmont) et que "celui qui les aveugle" (le diable?) ne fait pas de différence sociale = l'agression sexuel serait moins grave si elle est socialement égalitaire !!!

Femme 1 : Vraiment, voilà un bien méchant Cordelier ! Être religieux, prêtre et prédicateur, et user de telle vilenie au jour de Noel, en l'église et sous le manteau de confession, qui sont toutes circonstances qui aggravent le péché !
Femme 1 pour sa part, ne voit que des circonstances aggravantes et aucune circonstance atténuante.

Homme 2 : Il semble à vous ouir parler que les Cordeliers doivent être des anges, ou plus sages que les autres. Mais vous en avez tant oui d'exemples que vous les devez penser beaucoup pires. Et il me semble que cette nuit est bien à excuser, se trouvant tout seul, de nuit, enfermé avec une belle fille.
Homme 2 plaide la sacro-sainte erreur humaine, la quantité des cas qui banalise celui-ci, la solitude qui manque de gaieté sans parler de la beauté de la fille, c'est de sa faute.

Femme 1 : Voire, mais c'était la nuit de Noel !
Pour Femme 1 ce moine ne respecte rien.

Homme 3 : Et voilà qui augmente son excuse, il voulait essayer à faire un petit enfant, pour jouer au vif le mystère de la Nativité !
Homme 3 trouve là l'occasion de faire une fine plaisanterie à l'époque où se donnait encore des "mystères", ces interprétations bibliques sous forme de scénettes.

Femme 2 : Vraiment ,s'il eût pensé à Joseph et à la Vierge Marie, il n'eût pas eu la volonté si méchante. Toutefois c'était un homme de mauvais vouloir, vu que pour si peu d'occasion il faisait une si méchante entreprise.
Femme 2 rappelle que Joseph et la vierge Marie étaient chastes entre eux et qu'utiliser une occasion comme Noel afin d'attenter à la pudeur de quelqu'une est en dessous de tout.

Femme 3 : Mais à savoir mon, si elle fit bien de scandaliser ainsi son prochain, et s'il eût pas mieux valu qu'elle lui eût remonté ses fautes doucement que de les divulguer ainsi.
Alors là, personnellement je reconnais bien Femme 3, la missionnaire qui croit qu'il faut rééduquer GENTIMENT le petit garcon et ne pas le blâmer. C'est trop méchant. La pauvre victime c'est lui, tout compte fait.

Homme 4 : Je crois que c'eût été bien fait, car il est commandé de corriger notre prochain entre nous et lui, avant que le dire à personne ni à l'Église. Aussi, depuis qu'un homme est éhonté, jamais se peut-il amender, parce que la honte retire autant de gens du péché que la conscience.
Homme 4 s'engouffre dans la brèche. Ben oui, enfin, est-ce qu'on dénonce comme ca un pauv' moine sans prévenir ? C'est lui faire honte et une fois montrer du doigt comment voulez-vous qu'il regrette son péché qui d'ailleurs du coup n'en est plus un ?

Femme 2 : Je crois qu'envers chacun se doit user le conseil de l'Évangile, sinon envers ceux qui la prêchent et font le contraire, car il ne faut point craindre à scandaliser ceux qui scandalisent tout le monde. Et il me semble que c'est grand mérite de les faire connaître tels qu'ils sont, afin que nous ne prenons pas un doublet pour un rubis.
C'est Femme 2 qui a le mot de la fin : il ne faut pas craindre du tout de faire honte à ceux qui se comportent de manière scandaleuse, au contraire. Ainsi on dévoile au grand jour qui ils sont vraiment et on ne peut plus se méprendre sur eux et sur leur valeur.

Dans ces sept personnages on reconnaît parfaitement les types de réactions que l'on observe aujourd'hui encore, dès qu'il est question de ce genre d'affaire. Il y a ceux qui font semblant de s'indigner tout en trouvant dans le crime lui-même un élément qui le transformerait en héroisme, celleux qui s'indignent (normal), ceux qui généralisent à l'humanité entière (pas des anges) et qui ne trouvent que des circonstances atténuantes, ceux qui trouvent cela drôle et banal, celleux qui blâment la victime, celleux qui en rajoutent quand on blâme la victime et celleux qui dénoncent normalement un acte répréhensible.

Franchement, qu'est ce qui a changé ? Les hommes de la France d'aujourd'hui ont-ils compris entre temps que l'attentat sexuel est un crime, ou ne l'ont-ils toujours pas plus compris que ces hommes de l'Ancien Régime à peine sortis du moyen âge ?

ajout de 11.31 h. : envie de relayer le billet de Juan qui donne l'impression qu'il pourrait être la voix manquante au septuor de l'Heptaméron.
Et puis des textes que je place là pour rappeler que rien n'a été jugé (suite au commentaire de JEA) : ici + ici

samedi 14 mai 2011

Le prieur pervers de Saint-Germain a encore frappé !

Je rappelle que le 19 janvier j'avais fait un rapprochement entre le prieur de Saint-Germain qui abusa éhontément de son pouvoir dans son abbaye pour violer des nonnes, mais se trahit en tentant ses pratiques sur la courageuse soeur Marie Heroët (la reine de Navarre avertie, le confondra et consignera l'affaire dans son Heptaméron) avec l'affreux Dominique Strauss-Kahn qui aurait commis une tentative (présumée) de viol aux États-Unis.


Admirez la prémonition !!!!

Pervers pépère est peut-être démasqué. Ouf ! Si ses agissements sont avérés, il est grillé pour les élections, j'espère. Quoique : on ne sait jamais dans un pays où l'on absout d'une main aussi légère le moindre Polanski, un président violeur pourrait même être parfaitement représentatif de la mentalité dominante !

Ajout de 12.34 h : un article du 22.10.2008 ici ou voir la même vidéo directement ici
+ coms sur la vidéo ici. DSK a un tel passif qu'il est étonnant (ou pas) qu'il ait pu un jour avoir été vendu comme le sauveur de la France !

vendredi 13 mai 2011

Mario Equicola, humaniste bien trop méconnu

Tandis que d'aucuns avaient la chance d'être épargné par les pannes d'hébergeur, les blogspoteuses et poteurs ont retenu leur souffle. Et voilà, ouf, ca y est, on peut recommencer à bloguer.
Malheureusement ce blog donne paraît-il, à certain.e.s la très fâcheuse impression que je veux "faire pencher la balance de l'autre côté" (lu à plusieurs reprises, en dernier parmi les commentaires chez ma copine lucia mel) : comprendre instaurer une gynocratie pleine de "bonnes femmes" (pouah !) là où il n'y a que des "bonshommes" ce qui est bien normal quand même, non ?

Nous y voilà : chaque fois que l'on énumère des "bonnes femmes" quelque part, c'est l'angoisse !

Du coup, je vais parler d'un homme. De toute manière les défenseurs des femmes subissent le même sort qu'elles. Pourquoi me demanderez-vous ? Parce que. Ca leur apprendra.

Il est, par exemple, impossible de trouver une biographie correctement documentée de Mario Equicola en langue francaise. Je vais de nouveau devoir traduire des bouts de sa vie récoltés à droite et à gauche.


Humaniste de la Renaissance, Mario Equicola né à Alvito en 1470 officiera comme courtisan à la cour d'Isabelle d'Este, à Mantoue. Il fit d'abord des études sous la houlette du grand néo-platonicien Marsile Ficin, puis entra au service de la marquise. Il se rendit un jour à la cour d'Alphonse, le frère d'Isabelle d'Este, pour rédiger six fables qui servirent de base aux fresques de Bellini et du Titien décorant la chambre d'albâtre du duc.
Mais sa grande passion fut de rassembler en langue vernaculaire, afin de les immortaliser, les chansons des troubadours du passé et de son présent.
Puis il écrivit un traité en l'honneur des femmes : son fameux "De mulieribus" que malheureusement personne ne connaît.
En 1517, il accompagna sa maîtresse (pas sa maîtresse au sens cochon mais sa maîtresse au sens de maître), Isabelle d'Este, en pèlerinage à Saint-Maximin-la Sainte-Beaume et en profita pour se rendre aux archives d'Aix-en Provence pour faire ses recherches sur les troubadours.
Dans son De Melieribus il explique que les troubadours du moyen-âge étaient en cela supérieur aux poètes latins qu'ils respectaient les femmes.
"il modo de descrivere loro amore fu novo diverso de quel de antichi Latini, questi senza respecto, senza reverentia, senza timore de infamare sua donna apertamente scrivevano" (je remercie d'avance la personne qui voudra bien traduire exactement cette phrase).
On publia en 1525 à Venise un autre de ses ouvrages écrit longtemps auparavant : "De la nature de l'amour tant humain que divin & toutes les différences d'ycelui" qui fut publié trois fois en francais au cours du XVIe siècle. Il y est question de l'importance du langage dans la relation amoureuse (l'importance du langage appartiendrait à la doctrine artistotélicienne), ce qui lui valut bien des critiques (on n'aimait pas les aristotéliciens à l'époque) mais n'empêcha pas la large diffusion de son livre.
D'après la philosophe Adeline Nesca Robb (1905-1976), il fut ensuite pillé de manière éhonté par les poètes du Parnasse dont l'histoire a bien voulu, contrairement au sien, retenir les noms.
Il fit d'autres travaux comparatifs sur les troubadours et trouvères, d'Italie, d'Espagne et de Provence.
Enfin il publia en 1505 un ouvrage analysant la devise préférée d'Isabelle d'Este "Nec spe nec metu" ( ni par l'espoir ni par la crainte).
Il mourut à Mantoue en 1525.

Isabelle d'Este est une immense mécène de la Renaissance sans laquelle le peintre Mantegna ne serait rien. Mais au chapitre Mantegna ou au chapitre des grands mécènes de la Renaissance, on ne saurait trouvé cette espèce méprisable qu'est la femme. Donc inutile da la chercher par exemple ici où se trouvent justement les deux chapitres en question...on ne va pas mêler une vulgaire femme à de grands hommes, voyons. Ce n'est pas comparable.

(Dans ce billet se cache un nom de lieu qui est un clin d'oeil à quelqu'un qui se reconnaîtra je pense)

Les malheurs de Cathy revus et corrigés

Désolée pour cet incident indépendant de ma volonté comme on dit, en particulier pour Paul d'une part et pour Anonymous de la librairie d'Histoire d'en lire d'autre part, qui ont chacun laissé un commentaire ici auquel j'ai répondu avant que le tout disparaisse.

Cela dit j'en ai profité pour bosser un peu plus (quoique). Mais ce qui me chiffonne c'est que je voulais un peu modifier mon billet précédent après avoir demandé son avis à une historienne qui me semble plus versée dans la période saintbarthélémiesque que moi.
Voilà donc l'appréciation de Marie, en attendant de remanier mon précédent billet :

la présentation des événements que vous donnez est datée. Elle correspond à des thèses qui étaient soutenues il y a une vingtaine d'années par des historiens renommés comme Cloulas, mais qui sont aujourd'hui largement contestées par les spécialistes de la période.
On n'a pas de preuves que Catherine de Médicis et Charles IX aient commandité la St-Barthélémy*. Et on n'a pas non plus de preuves que Catherine de Médicis y soit pour quelque chose dans la tentative d'assassinat contre Coligny.
D'autres hypothèses ont depuis été avancées : on parle des Guise, des espagnols. Arlette Jouanna a même supposé possible que l'assassinat de Coligny ait été perpétré à l'initiative d'un inconnu!
Bref, on ne sait pas qui est coupable, ni si le roi et la reine mère ont une part de responsabilité dans l'affaire.
Si vous voulez creuser les faits, je vous suggère de laisser tomber Simone Bertière et de vous plonger plutôt dans les ouvrages récents de Garisson (qui a viré de bord ces dernières années et ne croit plus à la culpabilité de Catherine de Médicis), Crouzet, Solnon
ou Jouanna, par exemple.

Janine Garisson a écrit :
Catherine de Médicis : l'impossible harmonie. Payot, 2002


Présentation : Catherine de Médicis (1519-1589) mérite mieux que le méchant portrait qu'en a laissé Alexandre Dumas dans La Reine Margot. Avec Janine Garrisson, nous découvrons une princesse de la Renaissance imprégnée de philosophie néo-platonicienne et animée d'un esprit universel. Dans une France qu'elle gouverne pendant trente ans au nom de ses trois fils, François II, Charles IX et Henri III, elle aspire, en pleines guerres de religion, à établir une harmonie semblable à celle du cosmos. La postérité l'a voulue sanguinaire parce que son nom est tragiquement associé au massacre de la Saint-Barthélemy (1572), alors qu'elle incline au fond d'elle-même à la tolérance et au compromis avec les protestants. La reine Médicis laisse une oeuvre immense et durable, tant dans le domaine de la représentation royale que dans ceux de la gastronomie ou des arts.


Arlette Jouanna a écrit :
La Saint-Barthélémy, le mystère d'un crime d'État, Gallimard 2007
Extrait de la présentation :
Le 18 août 1572, Paris célèbre avec faste le mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre, événement (lui doit sceller la réconciliation entre catholiques et protestants.
Six jours plus tard, les chefs huguenots sont exécutés sur ordre du Conseil royal. Puis des bandes catholiques massacrent par milliers " ceux de la religion " - hommes, femmes, vieillards, nourrissons... Comment est-on passé de la concorde retrouvée à une telle explosion de violence ? Comment une " exécution préventive " de quelques capitaines a-t-elle pu dégénérer en carnage généralisé ? Quel rôle ont joué le roi, la reine mère, les Guises, le très catholique roi d'Espagne ? De ces vieilles énigmes, Arlette Jouanna propose une nouvelle lecture.
La Saint-Barthélemy n'est l'oeuvre ni des supposées machinations de Catherine de Médicis, ni d'un complot espagnol et encore moins d'une volonté royale d'éradiquer la religion réformée. Charles IX, estimant sa souveraineté en péril, répond à une situation d'exception par une justice d'exception. Mais en se résignant à ce remède extrême, il installe, sans en faire la théorie, une logique de raison d'Etat.

Denis Crouzet a écrit :
Le haut cœur de Catherine de Médicis. Une raison politique aux temps de la Saint-Barthélemy, Albin Michel, coll. « Histoire », 2005

Extrait de la présentation :
Le XVIe siècle français est marqué par la figure de Catherine de Médicis (1519-1589) qui, exerçant le pouvoir avec une étonnante ténacité, fut soupçonnée de recourir aux moyens les plus sinistres, mensonges, complots, poison, magie noire, assassinats, culminant dans l'extrême violence du massacre de la Saint-Barthélemy. C'est avec une énergie intense qu'elle se consacra à la défense de l'État monarchique, incarné successivement par ses fils François II, Charles IX et Henri III.
L'humaniste Étienne Pasquier disait qu'elle « était armée d'un haut coeur », un coeur supérieur, plein de force, de foi et d'intelligence qui la poussa à se dresser contre les passions qui ensanglantaient le royaume. Dans sa magistrale étude, Denis Crouzet fait vivre cette Catherine de Médicis plurielle, oscillant entre le bien et le mal, adepte de la parole et de la négociation, figure humaniste persuadée de sa mission de pacification du royaume, mais aussi fine stratège, forgeant les instruments idéologiques de son intrusion active dans la sphère de la décision politique, allant jusqu'à légitimer l'usage de la violence vue comme une nécessité pour l'avenir de la paix. Dans le contexte tragique des guerres de Religion, autour d'une souveraine hors du commun, s'invente la raison politique moderne.


Jean-Francois Solnon a écrit :
Catherine de Médicis, Perrin, 2003

Dans notre mémoire collective, Catherine de Médicis (1519-1589) a mauvaise réputation. La ruse, la duplicité, le machiavélisme auraient inspiré la politique de cette Florentine qui n'aurait répugné ni au poison ni à l'assassinat. Femme et étrangère, elle était toute désignée à la vindicte. La veuve vêtue de noir, dominant et manipulant ses fils, responsable de la Saint-Barthélemy (1572), aurait été la plus maléfique des reines de France. Le livre de Jean-François Solnon balaie la légende et brosse un portrait attachant d'une femme courageuse que les malheurs de la vie n'ont pas épargnée. Sa grande passion fut le pouvoir: elle l'exerça trente années durant, au milieu des guerres civiles, toujours soucieuse de préserver l'unité du royaume et l'autorité de l'Etat, comme de rétablir l'harmonie entre les Français malgré les rivalités religieuses. En un temps d'intolérance et de fanatisme, elle fut - on l'oublie trop- farouchement attachée à la paix civile, cherchant inlassablement à réconcilier catholiques et protestants. Le pragmatisme fut son guide, la négociation sa méthode. Sans méconnaître les faiblesses et les erreurs de son héroïne, Jean-François Solnon propose l'image d'une femme de la Renaissance, ardente et volontaire, jamais abattue par les échecs, tout à la fois reine, régente, mécène et bâtisseuse. Un portrait fouillé, équilibré, vivant et neuf d'un être d'exception en un siècle d'or et de sang.

Néanmoins à l'instar de ces trois historien.nes, il me semble avoir quand même bien insisté sur la volonté de Cathy de conserver la paix coûte que coûte. Ce pourquoi j'ai mis les passages qui en parlent en caractère gras.

*Je n'ai pas non plus écrit que Charles IX et Catherine de Médicis avaient commandité la S.-B.

mardi 10 mai 2011

Les malheurs de Cathy




Il n'est guère possible d'expliquer en quelques lignes le massacre de la Saint-Barthélémy mais j'aimerais en présenter une autre version simplifiée par mes soins d'après les plus récentes biographies de Charles IX et de Catherine de Médicis que je connaisse.

Charles IX ne rêvait que d'exploits guerriers. Comme tous ces contemporains masculins il avait été formé à la virilité par les exemples tirés de "La vie des hommes illustres" de Plutarque, tous de grands militaires. On le comprend bien : il aurait voulu en être un. Manque de bol, il était roi. Ce qui ressemble plus à un boulot de fonctionnaire si on y regarde de près.

Catherine de Médicis, comme toutes les femmes mêlées au pouvoir, ne rêvait que de paix. Eléonore de Habsbourg la précédente reine, Louise de Savoie sa belle grand-mère, Marguerite de Navarre, sa belle-tante, toutes ces prédécesseresses avaient oeuvré comme elle, et comme elles pouvaient, pour la paix. Catherine faisait de son mieux pour réconcilier catholiques et protestants mais la tâche était d'autant plus ardue que son autorité parce qu'elle était femme, était en permanence contestée par toutes les factions.

En premier lieu, par les huguenots, l'amiral de Coligny en tête, qui, comme Charles IX, rêvait de guerre et aussi de calviniser toute l'Europe. L'occasion était bonne. Les "Gueux" des Pays-Bas, une conjuration de nobles qui voulaient renverser le joug espagnol avaient, selon lui, besoin d'aide. On s'y rendrait et en chassant les espagnols, on calviniserait les Pays-Bas qui n'attendaient que cela, d'après lui.
Les Valois, cette famille trop tiédasse pour la cause protestante qui fâchait également le pape parce qu'elle ne prenait pas non plus fermement parti pour les catholiques, allait devoir suivre bon gré mal gré le mouvement, on trouverait le levier, il n'y avait qu'à chercher.

En effet, la famille royale était quelque peu malmenée par tous les partis et on songea un temps à déposer le roi. On l'enleva même ainsi que sa mère, ce fut toute une histoire, puis on les relâcha ; bref, la couronne de Charles IX vacillait quelque peu.

Dans la tourmente générale et même sans elle, Charles IX ne savait à qui se raccrocher. Coligny se présenta alors à lui en grand chef de guerre digne des héros de Plutarque. Charles IX avait enfin trouvé un père. Coligny son levier.

Mais Catherine s'empressa d'expliquer à Charles que ce n'était pas le moment de se chercher un père en la personne d'un individu qui s'apprêtait à mettre non seulement la France mais probablement l'Europe entière à feu et à sang. En effet, l'Espagne n'allait certainement pas observer le manège de Coligny les bras croisés.

Mais Coligny profita du mariage de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre pour se rapprocher un peu plus du roi et contrer ainsi l'influence de sa mère, des Guise et des nonces du pape.

Catherine s'affola. On commencait à donner des ordres pour déplacer des troupes aux frontières des Pays-Bas.
Impuissante à convaincre le roi, elle résolut (ou ils résolurent à plusieurs) de faire assassiner Coligny en douce, peut-être avec la complicité d'Anne d'Este, ou du moins de Henri de Guise. D'après Dumas avec la complicité du roi lui-même qui n'osa pas faire arrêter celui qu'il appelait "mon père".

Malheureusement l'attentat échoua. S'il avait réussi, il n'y aurait jamais eu le massacre qui s'en suivit.
Le blessé et surtout ses compagnons firent un terrible scandale, clamèrent que les Valois avaient signé leur arrêt de mort. On menacait ni plus ni moins de les assassiner à leur tour.
Puis après avoir crié au meurtre et à la vengeance, les chefs protestants suggérèrent à l'amiral de quitter Paris sur le champ de peur d'être assassinés eux-même. Bref, l'air sentait déjà le sang. Mais Coligny qui aurait perdu en s'éloignant de Paris son ascendant sur le roi alors qu'il était si proche d'obtenir ce qu'il briguait, refusa.
Catherine et Charles en entendant les menaces contre eux qui couraient par les rue, prirent peur. Charles n'ayant pas d'idée, Catherine et d'autres peut-être suggèrent d'éliminer les chefs protestants qui se trouvaient au Louvre. Il fallait selon elle (et eux) couper les têtes de l'hydre. On établit une liste et Charles IX donna son accord, bien qu'à contre coeur, il s'agissait quand même de grands militaires. C'est là qu'il aurait dit (puisque c'est comme ça) "Tuer les tous". Il était question des chefs de la liste et non de tous les protestants du royaume.
Avec cette exécution secrète, qui, il faut le dire, n'était pas totalement inhabituelle pour l'époque, l'assassinat passant pour un acte politique de dernière extrémité, Catherine eut certes sérieusement du sang sur les mains mais elle ne fut pas la seule et ses (leurs) motivations n'ont rien à voir avec celles qu'on lui (leur) prête. Quand à la catastrophe qui s'en suivit, nul ne l'avait prévu. Que la foule fut prise d'une folie de carnage, on ne peut en imputer la responsabilité directe ni à Catherine ni à Charles IX. La tension avait atteint le point culminant. Ce fut la ruée contre les huguenots.
Catherine et Charles furent dépassés par ce qui se passa alors, et la légende racontant que Charles aurait tiré sur ses sujets depuis les fenêtres du Louvre est fausse.
Le pape qui ne mesura pas tout de suite l'ampleur des dégâts avait déjà envoyé un émissaire avec une lettre de félicitations au roi pour avoir éliminer les principaux chefs protestants mais il rappela en catastrophe son émissaire quand il en apprit les "dommages collatéraux".
Voilà grosso modo comment en cherchant à tout prix à sauver la paix du royaume et aussi quelque peu son trône, un.e puissant.e peut provoquer une bavure de très grande envergure.
Seulement voilà : les femmes sont souvent sollicitées et écoutées quand il est déjà trop tard, que le mal est fait et que plus rien ne peut arrêter le cours des choses, à moins d'une solution catastrophique.
Voilà de quelle manière certains hommes de pouvoir inconséquents se retrouvent acculer à d'épouvantables extrémités et comment ils conservent leur candeur aux yeux du monde en reportant le discrédit sur autrui. Une femme de préférence.

Catherine a belle et bien évité une guerre autrement plus sanglante entre la France et l'Espagne prolongée des Pays-Bas à laquelle se seraient peut-être joints d'autres pays comme l'Anglelerre et les principautés allemandes, guerre aux conséquences incalculables. Elle a évité la guerre peut-être mais par la violence alors qu'elle voulait la paix et au prix de sa réputation dont, il est vrai, Catherine se souciait comme d'une guigne.

Ajout de 20.04 : une bio hurluberlue de Cathy trouvée en farfouillant sur google.

dimanche 8 mai 2011

"Cathy 1" ou la fabrique de mensonges

Mo' m'a écrit précédemment "pour quelqu'un qui n'aime pas Teulé, je trouve que vous lui accorder beaucoup de temps ! N'y aurait-il pas plus d'intérêt à ce que vous consacriez ce précieux temps à (...)".

Et bien non. Je ne perds pas mon temps. A chaque page du web, on lit "Achetez Charly 9 de Jean Teulé". Ce livre bénéficie d'un matraquage énorme !
Pourquoi ce livre ?
C'est curieux comme on assiste depuis vingt ans à une nouvelle, insidieuse, omniprésente et véritable révision de l'histoire ! Pendant que des gens qui se déclarent féministes dissimulent par là leur motivation réelle d'avoir la peau du féminisme (voir blog d'Alice et son lien vers les nouvelles news) d'autres encore utilisent la méthode du loup enfariné à base de poudre de romancier historique, afin de mieux déchiqueter la recherche historique à notre nez et à notre barbe.
Le cinéma est devenu un vrai sanibroyeur à histoire, et même l'essai universitaire est contaminé par la tendance (cf. l'essai sur la non-existence de Louis Labé de Mme Huchon). Un tapage médiatique dément accompagne ces entreprises de destruction massive.

Alors si Mo' tient à ce que je lui conseille un livre, je lui recommande de relire "1984" de George Orwell afin de comprendre comment on obtient un meilleur contrôle de la société en révisant son histoire. Voilà un livre qui décrit très bien cela.
Quant un Teulé (et son éditeur) veut faire croire au bon peuple que l'avant-dernier Valois n'était qu'une marionnette aux mains d'une mère sanguinaire, il s'agit de nous faire comprendre qu'une femme au pouvoir est une catastrophe pour l'humanité. C'est ce que l'on peut appeler "la preuve par la Saint-Barthélémy". Chéreau nous l'avait déjà faite celle-là.
Soyons prévenu.e.s contre ces gens. Ce sont plus ou moins les mêmes. Ils se connaissent et se serrent les coudes.

Et quand on se montre trop paresseux pour lire des livres d'histoire ou des romans historiques plus fiables que ceux de Teulé, on se met juste à la merci de personnages qui ne demandent qu'à penser à notre place et à nos dépends.

Glané sur les sites et blogs, un inventaire des gentils qualificatifs offerts gratuitement à la Catherine de Médicis de Teulé :

- jupitérienne

- redoutable

- venin florentin

- réputée pour sa cruauté légendaire

- une régente araignée

- terrible

- mère bien spéciale

- terrible mère

- véritable instigatrice de la Saint-Barthélémy

Le dernier étant, bien sûr, le plus scandaleux, Mais ce sont les adjectifs "terrible" et "redoutable" qui remportent la palme des épithètes les plus employés.
Faut-il mentionner ce qui est dit sur le rapport de cette "terrible mère" avec le toutou "Charly" : marionnette de sa mère, sous l'influence de sa mère, aux mains de sa mère, jouet de sa mère, manipulé par sa mère, etcetera point point point ?
D'un bout à l'autre du web, il est maintenant certain pour tout le monde que Catherine de Médicis a, comme l'écrit "si bien" Teulé, "commandité" le massacre de la Saint-Barthélémy.

Beau travail !

Et accusation sans preuve aucune. Puisque personne ne sait qui est le/la responsable en admettant bien sûr qu'il n'y en ait qu'un.e.

Je voudrais souligner que la métèque, la juive errante, la pâtre grecque avec ses cheveux pas très aux quatre vents incarne sans doute pour l'auteur "moderne" l'immigrée qui vient sournoisement assassiner les bons français. On n'est pas loin de l'idéologie d'extrême-droite.
Heureusement les moins ignares savent qu'en France au XVIe siècle, les italien.ne.s jouissait d'un grand prestige Les italien.ne.s étaient plus cultivé.e.s et plus civilisé.e.s que les francais.es qui les imitaient en tout. Catherine de Médicis a introduit un nombre incalculable de modes à la cour de France et certaines coutumes encore actuelles aujourd'hui dont Teulé attribue la paternité à Charles IX proviennent en majeure partie de sa mère.

Mais pour les simples d'esprit "italien" = "étranger" = "barbare" et basta !

En fouillant longuement pour trouver d'autres critiques moins enthousiastes de ce torchon à tendance très "gore" comme s'en félicitent bon nombre de lecteurs/trices, j'ai trouvé
un blog évoquant ledit roman qui s'en démarque en parodiant Teulé. Le blogoniste m'a amusée en rebaptisant Catherine de Médicis "Cathy" pour présenter un livre qui revient sur le rapport de cette reine avec les sciences occultes. Rapport qu'entretenaient plus ou moins tous les monarques. Mais Catherine est contemporaine d'un devin dont la réputation a traversé le temps et qui est connu comme le loup blanc jusqu'aux confins du Kamtchatka, à savoir le très fameux Nostradamus.

En tout cas voilà un blog qui ne cancanne pas à l'unisson ! Du coup, je lui est fait une petite place ici.
Et en feuilletant tout le net ou presque :
UN autre blog qui conseille à ses visiteurs/trices de se dispenser de lire ce navet !
Incroyable !
Pour finir, j'ai commis un petit emprunt dans les commentaires de chez JEA (j'espère qu'il ne m'en voudra pas) :
"La perte de la mémoire du passé est sans doute la pire infortune qui puisse frapper un peuple ainsi qu'un individu." F. LOT
Ce qui vaut pour un passé vieux de soixante ans vaut bien pour un passé plus lointain.

Félicitations à Danièle Sallenave !



Je sais je suis en retard d'un train mais l'information n'est pas arrivée jusqu'à moi (eh les blogueuses vous auriez pu me le dire !) Danièle Sallenave a été élue le 7 avril 2011, au fauteuil du "grand" misogyne Maurice Druon ! C’est la septième femme à devenir académicienne après Marguerite Yourcenar, Simone Veil, Jacqueline de Romilly, Florence Delay, Assia Djebar et Hélène Carrère d’Encausse.

Cela se fête !

Je pensais à elle, ce matin, en répondant à vos commentaires du billet précédent car voilà une femme qui dénonce depuis assez longtemps et dans d'excellents ouvrages la langue en perdition. Exceptionnellement je vais mettre un lien sur Rue89 à ce sujet.

vendredi 6 mai 2011

Cours de littérature pour les nuls

Il paraît que critiquer un livre quand on ne l'a pas lu, c'est aller un peu loin. Je vous soumets donc l'extrait lisible pour tous sur le site de l'Express du dernier roman en vogue qualifié d'historique, le fameux Charly 9, objet de ma critique. Lisons-le ensemble et analysons-le. Comme l'auteur de cette prose se compare à Alexandre Dumas en l'estimant dépassé, je propose de commencer par faire parler le Charles XI de Dumas, honneur aux absents et défunts de surcroît :

Mais, sire, reprit le duc de Guise, si l’on disait à Votre Majesté : Sire, Votre Majesté sera délivrée demain de tous ses ennemis ? [Guise avance à couvert (cf. "si l'on disait" ?)]

Et par l’intercession de quel saint ferait-on ce miracle ? [Charles, sceptique, l'encourage néanmoins en parlant de "miracle"]

Sire, nous sommes aujourd’hui le 24 août, ce serait donc par l’intercession de saint Barthélémy.

Un beau saint, dit le roi, qui s’est laissé écorcher tout vif ! [Charles comme toutes les victimes n'aime pas les martyrs]

Tant mieux ! plus il a souffert, plus il doit avoir gardé rancune à ses bourreaux. [allusion à la "souffrance" des ultra-catholiques dont les protestants sont les bourreaux]

Et c’est vous, mon cousin, dit le roi, c’est vous qui, avec votre jolie petite épée à poignée d’or, tuerez d’ici à demain dix mille huguenots ! Ah ! ah ! ah ! mort de ma vie ! que vous êtes plaisant, monsieur de Guise ! [Charles blessé d'avoir moins de prise sur les événements que Guise, le raille ouvertement. Puis, phrase suivante, bascule légérement dans l'hystérie. (L'impuissance du puissant = paradoxe qui rend Charles fou)]

Et le roi éclata de rire, mais d’un rire si faux, que l’écho de la chambre le répéta d’un ton lugubre.

Sire, un mot, un seul, poursuivit le duc tout en frissonnant malgré lui au bruit de ce rire qui n’avait rien d’humain. Un signe, et tout est prêt. J’ai les Suisses, j’ai onze cents gentilshommes, j’ai les chevau-légers, j’ai les bourgeois ; de son côté, Votre Majesté a ses gardes, ses amis, sa noblesse catholique… Nous sommes vingt contre un. [Guise met cartes sur table. Il est le plus fort mais il ne prendra pas les armes contre le roi si celui-ci lui dit „oui“. Or comme Charles se réfugie dans des réactions purement épidermiques, il lui est difficile d'obtenir son accord]

Eh bien ! puisque vous êtes si fort, mon cousin, pourquoi diable venez-vous me rebattre les oreilles de cela ?… Faites sans moi, faites !…[Charles est encore une fois vexé. Guise a plus de pouvoir que lui (cf. „si fort“). Il est humiliant de dire "oui" sous la contrainte]

Et le roi se retourna vers ses chiens. [renforce l'impression précédente]

Alors la portière se souleva et Catherine reparut.

Tout va bien, dit-elle au duc, insistez, il cédera.

Et la portière retomba sur Catherine sans que Charles IX la vît ou du moins fît semblant de la voir. [de cette manière Dumas laisse planer un doute. Qui est coupable ?]

Mais encore, dit le duc de Guise, faut-il que je sache si en agissant comme je le désire, je serai agréable à Votre Majesté. [Guise ne sait toujours pas si c'est du lard ou du cochon puisque Charles ne se prononce pas. Il assure donc au roi que son trône n'est pas menacé (cf. „être agréable à votre majesté“)].

En vérité, mon cousin Henri, vous me plantez le couteau sur la gorge ; mais je resterai, mordieu ! ne suis-je donc pas le roi ? [Dumas fait allusion a la crainte de Charles d'une conjuration comme celle d'Amboise au règne précédent. D'où le : „je resterai“. Guise a une armée et une alliée en la reine-mère, Charles n'a que sa légitimité de roi]

Non, pas encore, sire ; mais, si vous voulez, vous le serez demain.

[Guise confirme qu'il tient dans sa main le pouvoir du roi]

[Dans ce dialogue tout en finesse, Dumas fait intervenir un Guise, sachant que les historiens soupconnent cette famille d'avoir leur part de responsabilité dans le massacre. Les Guise sont si puissants qu'ils se permettent de dire au roi qu'il n'est „pas encore“ roi. Le rôle d'intrigante de Catherine est allusif, elle pousserait Guise dans l'ombre (image de la portière qui se soulève et qui retombe). La part de Catherine est une invention de Dumas mais il ne charge pas trop le personnage dans cette scène. Les protagonistes ont, du moins, des contours nets. Guise est pragmatique et ambitieux, Catherine est manipulatrice mais sans prise directe sur son fils, Charles pourrait avoir le profil de ces enfants à qui on a donné trop de pouvoir et qui, manquant de repères personnels, se réfugient dans une sorte d'égocentrisme destructeur. Ce profil est toujours actuel]



Voyons Teulé :



"Un gentil garçon semblant à peine sorti de l'adolescence - il vient d'avoir vingt-deux ans - écarquille ses grands yeux [j'ai envie de dire : de Bambi ?] :

[Pour Teulé, Charles est un gamin de 22 ans. Or avoir 22 ans en 1572 n'est pas avoir le même âge en 2011. Au XVIe siècle on était évêque à 15 ans, général à 16, maréchal à 19. Les moeurs étaient loins d'être infantiles comme aujourd'hui. Sans aller chercher si loin, il suffit de voir un documentaire sur 1968 pour trouver que les étudiants de 20 ans avaient l'air d'en avoir 35 tandis qu'aujourd'hui ils en paraissent 14. Mais Teulé qui croit que rien n'a changé dans ce domaine, fait une fixation sur ce détail du début à la fin]

  • Quoi ? Vouloir que j'ordonne, pour cette nuit, l'assassinat d'un convalescent surpris en plein sommeil ? Mais vous n'y pensez pas, ma mère ! [Teulé veut nous indigner avec un Charles dont nous partagerions la candeur] Et puis quel homme, l'amiral de Coligny que j'appelle "mon père" [explications historiques maladroitement placées dans le dialogue]. Jamais je ne scellerai cet édit !

    Tout loyal, franc, ouvert du coeur et de la bouche, le garçon [Charles est l'innocence même, tâchons de nous imprégner de cette idée], à haute fraise blanche entourant sa gorge jusqu'au menton, s'étonne [ je ne sais pas pourquoi mais un télétubbie me vient à l'esprit] :

    - Comment pouvez-vous [redondant (cf. : „vouloir que“ plus haut] venir me réclamer la mort de mon principal conseiller qui déjà hier matin, sortant du Louvre, fut arquebusé dans la rue par un tueur caché derrière du linge séchant à une fenêtre [description des événements que les lecteurs ne connaissent pas, insérée dans le dialogue] ?.. Il n'est que blessé. Ambroise Paré dit qu'il s'en tirera et je m'en réjouis [idem + on est censé croire que Charles est le seul au courant ou croire que Charles croit être le seul au courant].

    - Pas nous, répond une voix de matrone au fort accent italien. D'autant que c'est ton jeune frère et moi qui avions commandité l'attentat.
    [l'affreuse matrone avoue tout de go + racisme anti-accent = la métèque qui fait peur]
    - Quoi ? ! [coassement ?]

    Le garçon, d'un naturel aimable et ayant de bonnes dispositions [sauf qu'il a une mère impossible à cause de laquelle il a mal tourné au cas où on ne l'aurait toujours pas compris], n'en revient pas. Sous un bouquet de duvet de cygne à sa toque, il tourne lentement [c'est un script de film là?] la tête vers les six [tiens ils sont six ?] personnages assis côte à côte devant lui. L'un d'eux, vieux gentilhomme vêtu d'une jupe [à un autre endroit on a la fameuse couche-culotte c'est là que se tient l'originalité du style] de damas cramoisi, regrette :

    - Sire, le seigneur de Maurevert, tueur professionnel [bon mais les explications dans le dialogue, ca va 5 mn] mais mal habitué aux armes à feu, voulait faire ça à l'arbalète. Pour plus de sûreté, nous lui avons imposé l'arquebuse. Mal nous en a pris . Au moment du tir, Coligny s'est penché pour réajuster sa mule. Maurevert a manqué sa cible [explications, explications = voilà un personnage d'une grande utilité. il sert à Teulé à ne pas mettre toutes les explications dans la bouche de Charles = prière d'applaudir à la trouvaille !].

    Le jeune roi aux joues arrondies [oui on l'a compris il est très jeune !] hoche la tête d'un air consterné :

    - Quand je pense que cet après-midi je suis allé rue de Béthisy, au chevet de l'amiral, lui promettre de faire rechercher et punir les coupables... [ce qui prouve que l'explication du fameux "vieux gentilhomme" anonyme qui débarque comme un cheveu sur la soupe était inutile. Si Charles a été au chevet de l'amiral, il devrait être au courant de l'attentat dans ses moindres détails!] C'étaient ma mère et mon frère ! [au secours la découverte même pas théâtrale ! Racine revient !].. Mais pourquoi avez-vous décidé ça, tous les deux, mamma ? [bon, là je craque, la niaiserie a ses limites]


Je préfère passer sur les expressions comme „vouloir que“, „vous n'y pensez pas“, „d'autant que“, „n'en revient pas“ „mal nous en a pris“ „quand je pense que“, supportables sur un blog mais pas dans un roman, et je vous demande où se rencontrent dans ce dialogue les caractères de ces personnages qui ne s'adressent visiblement pas l'un à l'autre mais uniquement aux lecteur/trice.s.



Maintenant il paraît que Jean Teulé est un GRAND ÉCRIVAIN (lu sur un nombre incalculable de sites et de blogs + entendu sur Daily Motion). De qui se moque t-on ?